Solaris : Solaris (Hiver 2000)
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Solaris : Solaris (Hiver 2000)

Pour amorcer l’an 2000 et célébrer son quart de siècle d’existence, Solaris consacre tout un numéro à un art qu’elle a largement contribué à faire connaître au cours des années: la bande dessinée. Dirigée par Marc Pageau, cette publication spéciale rassemble des oeuvres inédites de sept lauréats du prix que la revue décerne annuellement à un bédéiste depuis 1982.

Pour amorcer l’an 2000 et célébrer son quart de siècle d’existence, Solaris consacre tout un numéro à un art qu’elle a largement contribué à faire connaître au cours des années: la bande dessinée. Dirigée par Marc Pageau, cette publication spéciale rassemble des oeuvres inédites de sept lauréats du prix que la revue décerne annuellement à un bédéiste depuis 1982.

Chaque contribution s’inscrit dans le domaine de la science-fiction ou du fantastique, spécifique à Solaris. On y retrouvera le thème à la mode des univers virtuels dans Réalité(s) de Jean-François Guay ainsi que dans La Fuite de Pierre-Yves Clerson, tandis que Jean-François Bergeron, avec son Nova: un pas dans l’éternité verse dans le monde (plus traditionnel, mais sur un mode ironique) des voyages galactiques et des accidents temporels. L’insolite est l’univers de Thésé et le Minotaure de Benoît Joly et du Sommeil noir de Christian Vadeboncoeur.
Les deux contributions qui se démarquent le plus, tant sur le plan graphique que narratif, s’inscrivent dans la tradition fantastique. Dans Le Chemin de traverse diabolique de Robert Julien, un savant allemand franchit l’Atlantique pour rejoindre à Québec un praticien s’intéressant comme lui à une épidémie d’origine mystérieuse, dont ils finiront par découvrir la source. Par son utilisation de la mine de plomb, Julien crée une gamme impressionnante de gris, donnant une texture particulière aux dessins très achevés des paysages, de l’architecture et des personnages.

Comme Julien, Éric Lacasse campe l’intrigue de Par-delà le bout du nez en 1899, réussissant à implanter l’atmosphère fin de siècle qui est celle de plusieurs grands récits fantastiques. Il y dépeint l’habileté d’un petit garçon pourvu de pupilles doubles, qui voit en un même lieu des personnes qui l’ont habité en des temps divers. Dans un dessin qui rappelle par moments les portraits de Rimbaud par Verlaine, Lacasse émerveille par sa maîtrise originale de la plume et de l’ncre de Chine.
Cette intéressante publication est malheureusement le chant du cygne du neuvième art chez Solaris, qui vient d’annoncer que ses difficultés financières auront comme conséquences la disparition de son volet BD et la diminution du format de la revue, afin de maintenir son niveau actuel de qualité. C’est qu’à son budget, qui s’est vu rétrécir comme peau de chagrin au cours des dernières années, le Conseil des Arts du Canada vient de retirer la maigre subvention qu’il accordait. Discutable décision envers celle qui fut la première revue en français au monde à se consacrer aux paralittératures et qui reste la seule à paraître actuellement au Canada dans cette langue, disposant de collaborateurs aussi prestigieux qu’Élisabeth Vonarburg, Joël Champetier et Yves Meynard. Si les fidèles de la revue peuvent rester tranquilles quant à sa survie, la bande dessinée locale, elle, vient de perdre un de ses lieux d’expression privilégiés.

Solaris, Science-fiction et fantastique, numéro 132, hiver 2000, 48 p.