Irène Frain : La Maison de la source
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Irène Frain : La Maison de la source

En retrouvant la source de ses souvenirs, le puits du jardin, les lieux interdits, l’auteure du Nabab et de Secret de famille retrouve «la matière même de ce qui avait constitué (son) enfance». Et de cette matière, Irène Frain façonne un récit plein de vie, serti d’anecdotes personnelles et de petits drames universels.

Au détour de la cinquantaine, une femme se voit assaillie par le désir de retourner sur les lieux de son enfance passée dans la Bretagne des années cinquante. Visions d’un paradis perdu; une petite maison, un jardin, un décor revisité en rêve et qu’elle veut revoir à tout prix, dans la réalité, comme si sa vie en dépendait. Puisque «le monde est une maison», cette femme, devenue aujourd’hui écrivain, part à la recherche de La Maison de la source, pressée par l’instinct. «Cela s’est fait sans réfléchir, dit-elle, j’étais poussée, j’ai trouvé la passe sans l’avoir cherchée, traversé comme par étourderie le fleuve des années, j’ai descendu la venelle en courant, je suis tombée sur le jardin où, par chance, pleuvait ce jour-là la lumière d’été.»

Quand Irène Frain retrouve la maison de la source, miraculeusement épargnée par le temps, l’essence de son passé, avec ses odeurs, ses puissantes sensations lui reviennent en vagues déferlantes. Toute son enfance sort de l’obscurité, vert clair à travers l’humus, comme refleurit un jardin après un interminable hiver.

En retrouvant la source de ses souvenirs, le puits du jardin, les lieux interdits, l’auteure du Nabab et de Secret de famille retrouve «la matière même de ce qui avait constitué (son) enfance». Et de cette matière, elle façonne un récit plein de vie, serti d’anecdotes personnelles et de petits drames universels. Un récit où l’on fait la rencontre de la pauvreté et de la misère par l’entremise d’une famille voisine, la méchanceté sous les traits d’un impitoyable tueur de chien, l’espoir d’une vie meilleure sous ceux de l’imposante Grande-Marraine, celle qui s’en est sortie, et dont la visite fait trembler tout le monde. Un récit où l’on traverse la Bretagne de l’après-guerre à bord d’un joyeux bus bringuebalant où les adultes chantent en choeur de vieilles chansons grivoises. Où l’on revit l’émerveillement qui suit la découverte de la lecture auprès de Zette et de l’impossible Sophie, la fascination que suscitent, chez la etite fille, les mystérieuses conversations des femmes qu’elle épie, bien caché sous la table de la cuisine.

«Et voilà, je reviens», écrit Irène Frain à la fin de son récit. C’est fait, j’ai repassé l’estuaire, j’ai retrouvé la maison. Plus de sortilège. En un éclair la femme rejoint l’enfant…» C’est fait, son voyage est fini. Mais nous, nous restons encore un long moment à l’intérieur de cette boucle qu’elle a si habilement bouclée, surpris avec nos propres souvenirs qu’elle a très doucement réveillés.

Éd. Fayard, 2000, 381 p.