de William Boyd : Visions fugitives
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de William Boyd : Visions fugitives

Deux ans après le succès international de son roman Armadillo, William Boyd nous sert un livre de facture étonnante, où se mêlent fiction et autobiographie. C’est en jonglant avec les formes que le célèbre et très médiatique écrivain anglais a concocté ces Visions  fugitives.

Deux ans après le succès international de son roman Armadillo, William Boyd nous sert un livre de facture étonnante, où se mêlent fiction et autobiographie. C’est en jonglant avec les formes que le célèbre et très médiatique écrivain anglais a concocté ces Visions fugitives. S’y trouvent, pêle-mêle, des nouvelles, des récits autobiographiques, des scénarios pour la télévision et même la fausse biographie d’un peintre inventé. Pas exactement un exercice de cohésion, donc.

Visions fugitives n’en représente pas moins quelques heures de lecture savoureuse. À cent lieues des satires étoffées d’Armadillo (1998) ou de Brazzaville Plage (1991), qui ont fait sa renommée, les morceaux ici rassemblés, souvent brefs, témoignent d’une polyvalence rare et d’un style qui s’adapte à tous les canevas. Le ton, lui, reste identifiable entre mille, celui de l’Anglais tour à tour moqueur, sarcastique, nostalgique, attachant.

Dans la nouvelle Hantise, un architecte-paysagiste développe une névrose peu commune. Tout porte à croire qu’une deuxième personnalité surgit parfois et le pousse à se comporter de manière brusque et irréfléchie, avec sa femme comme avec ses plus importants clients; ce qui ne tarde pas à foutre sa vie en l’air. Se pourrait-il qu’un autre que lui s’empare de son corps et de son esprit? C’est avec plaisir que l’on suit Boyd sur les voies du paranormal.

Dans un autre registre, le texte Nat Tate, un artiste américain (1928-1960), démontre les talents de l’auteur dans l’art du canular. Après un patient travail de distorsion historique, photos truquées à l’appui, Boyd a échafaudé l’une des plus brillantes supercheries des dernières années. Il a rédigé la biographie du peintre Nat Tate, qui n’a jamais existé, puis, aidé par quelques copains (dont David Bowie), organisé des lancements du livre à New York et à Londres. Si le canular a été éventé plus tôt que prévu, le Tout-New-York y a cru pendant quelques jours. Plutôt génial.

Plus loin,avec S’envoler de la maison, l’un des deux textes d’une «protobiographie», Boyd confie l’un des souvenirs marquants de sa jeunesse. Il raconte les vols intercontinentaux qui le menaient, avec ses parents, depuis son Ghana natal jusqu’en Angleterre, mère patrie des Boyd. À l’époque, ces trajets constituaient de longs périples, ponctués d’escales nombreuses: «Coucher de soleil à Kano, survol nocturne, style montagnes russes, du Sahara, l’aube à Tripoli, le matin à Madrid ou Rome – et enfin, à travers les nuages légers, le patchwork vert des champs anglais et l’occasionnel reflet d’un rayon de soleil sur un pare-brise, l’aéroport de Londres.»

L’auteur poursuit dans la veine autobiographique avec Bons et Mauvais en sport et Les Petites Hollandaises, mais ici sous la forme du scénario télé. Il y raconte ses années au pensionnat, période des coups pendables et des fantasmes juvéniles. Pour amusants qu’ils soient, ces deux textes ne livrent pas leur pleine mesure sous forme de scénarios, et on regrette de ne pas les voir à l’écran (William Boyd, passionné du 7e art, vient par ailleurs de réaliser La Tranchée, son premier film, lui qui avait signé le scénario de Chaplin pour Richard Attenborough).

Voilà des Visions fugitives hétéroclites mais jamais banales, qui dévoilent un peu le passé d’un auteur qui donne rarement dans l’autobiographique. Tout ça nous fait patienter, comme un entremets, d’ici la prochaine véritable cuvée Boyd.

Éd. du Seuil, 2000, 256 p.

Visions fugitives
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William Boyd