Stéphane Heuet : À l’ombre des jeunes filles en fleurs
Comment ne pas être intrigué par ce projet des plus ambitieux (complètement fou, diront certains): l’adaptation en bande dessinée d’À la recherche du temps perdu?
Comment ne pas être intrigué par ce projet des plus ambitieux (complètement fou, diront certains): l’adaptation en bande dessinée d’À la recherche du temps perdu? Précisons d’emblée que cette version de la plus grande oeuvre romanesque du vingtième siècle n’est ni une merveille sur le plan graphique (on est loin de la superbe adaptation que Ferrandez nous a proposée des romans de Pagnol) ni le fiasco auquel auraient pu s’attendre les plus sceptiques spécialistes de la Recherche. Il faut donc la prendre pour ce qu’elle est: une honnête et sympathique interprétation de l’univers proustien.
Stéphane Heuet y a opté pour un dessin classique, proche de la ligne claire hergéenne, sans recherche ni grande innovation. Une simplicité à laquelle on finit par s’habituer, alors qu’on se surprend, ici et là, à voir des lieux dessinés tels qu’on les avait imaginés. Du premier (Combray, paru il y a deux ans) au deuxième volume (À l’ombre des jeunes filles en fleurs), le trait a pris de l’assurance. En plus de rappeler certains tableaux impressionnistes (une gare de Monet, par exemple), Heuet s’est manifestement amusé à créer le personnage du directeur du Grand Hôtel de Balbec, dont la posture physique illustre sa personnalité bassement servile, tandis que Robert de Saint-Loup est montré dans toute sa supériorité aristocratique par son port de tête et la petitesse de ses pieds.
Sur le plan narratif, l’adaptation a nécessité des ajustements. Dans Combray, par exemple, quand le jeune Marcel se fait raconter la légende de Geneviève de Brabant, à l’aide des images projetées sur un mur de sa chambre par la «lanterne magique», le récit est transcrit dans les bulles sortant de la bouche de sa grand-mère qu’on n’entend pas dans le roman.
Impossible de dessiner cette oeuvre tout intérieure sans faire appel à une grande quantité de texte. Cette caractéristique, qui alourdit habituellement une bande dessinée, devient ici un vrai bonheur. Dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs
Combray et À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Delcourt, 1999, 72 et 48 p.