Alice est montée sur la table : L'être et le néant
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Alice est montée sur la table : L’être et le néant

Science et fantaisie forment un couple harmonieux et charmant dans cet étonnant petit roman, écrit en 1991 par l’Américain Jonathan Lethem, à qui l’imagination ne fait pas défaut. Cet ex-«enfant prodige» de la nouvelle de science-fiction (selon les mots de son éditeur français) y jongle avec des principes physiques, des concepts complexes, sans jamais quitter un ton d’une délicieuse  légèreté.

Science et fantaisie forment un couple harmonieux et charmant dans cet étonnant petit roman, écrit en 1991 par l’Américain Jonathan Lethem, à qui l’imagination ne fait pas défaut. Cet ex-«enfant prodige» de la nouvelle de science-fiction (selon les mots de son éditeur français) y jongle avec des principes physiques, des concepts complexes, sans jamais quitter un ton d’une délicieuse légèreté.
Malgré ses accents incontestablement S.-F., Alice est montée sur la table est d’abord une histoire d’amour d’un genre singulier. Élue du coeur du narrateur, Philip Engstrand, l’Alice en question enseigne la physique des particules à l’Université de Californie du Nord. Son équipe vient de créer en laboratoire un phénomène inédit, une sorte de bulle de néant, porte d’un autre univers: La Lacune, Lac de son petit nom. Comment une physicienne pourrait-elle résister à une si passionnante découverte?

Bientôt, Alice passe toutes ses journées au labo. Abandonné, le pauvre Philip doit admettre l’horrible vérité: sa bien-aimée, observatrice plus du tout objective, s’est désespérément amourachée de Lac. Oui, elle lui préfère… le vide, ce «mystère charismatique», qui refuse systématiquement de la laisser entrer en lui. Pendant que les spécialistes tentent de percer l’énigme de Lac, Philip s’emploiera donc à regagner le coeur de sa belle, obnubilée par tant de séduisant néant…

Cette Alice qui désire passer de l’autre côté du miroir, en quelque sorte, n’est bien sûr pas sans faire référence à l’héroïne du mathématicien et écrivain fantaisiste Lewis Carroll. Mettant en vedette un rien personnalisé, et un couple d’aveugles ayant la manie de s’enfoncer dans des palabres absurdement logiques, le roman joue sur la perception, questionne notre monde physique, théorise («La conscience écrit la réalité»). Et construit un univers romanesque aussi délirant qu’intelligent, où l’amour vient brouiller les cartes de la science, et inversement.

D’une prémisse susceptible de faire fuir les béotiens de l physique (j’en suis), Jonathan Lethem fait une fable amoureuse cohérente dans sa fantaisie, aux questionnements vastes comme l’univers, mais légère comme le néant. Quelques passages plus hermétiques exceptés, l’auteur manie une plume aérienne, humoristique, où la science vibre parfois d’une insolite poésie.

Conclu par une finale réussie, qui pousse sa logique jusqu’au bout, Alice est montée sur la table propose une théorie d’explication d’un monde où l’amour, une fois n’est pas coutume, a le dernier mot…

Alice est montée sur la table de Jonathan Lethem
Traduit de l’anglais par Francis Kerline
Éd. de l’Olivier, 2000, 249 p.