Catherine Ribeiro : L'Enfance
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Catherine Ribeiro : L’Enfance

Après trente ans d’une carrière jalonnée de nombreux disques et de récitals attirant les foules, Catherine Ribeiro livre, avec L’Enfance, le premier volume d’une autobiographie aux mots pesés, sincère et remuante.

Certes l’une des grandes voix, méconnue, de la chanson française, Catherine Ribeiro est de ces artistes qu’on qualifie de «purs»: fort tempérament, à la fois exigeante et généreuse, revendicatrice, disant haut et fort, et chantant si bien sa révolte contre l’injustice, toutes les injustices. Et pour cela marginale, marginalisée en grande partie par un système, le show-business, qui, en France, ne fait pas de quartier avec les têtes fortes, les trop indépendants. Après trente ans d’une carrière jalonnée de nombreux disques et de récitals attirant les foules, la chanteuse livre, avec L’Enfance, le premier volume d’une autobiographie aux mots pesés, sincère et remuante.

Fille d’immigrés portugais arrivés en France dans les années 20, Catherine Ribeiro est née en 1941 dans la banlieue de Lyon. Ces années-là, c’est la guerre en Europe et en France. Un bébé ne peut rien y comprendre mais vers ses deux ans, sa mère, avec qui déjà s’installe une relation de haine-amour dévastatrice, l’enferme dans le trou noir de la cave et l’y laisse seule pendant les bombardements. «Plus tard, je compris que de ce trou noir naquit non seulement la nature sauvage derrière laquelle je m’abrite, me protège et me cache, mais qu’il fut aussi mon premier enfermement.» D’autres viendront, tout aussi terribles.

À quatre ans, elle voit son petit frère, qu’elle chérit, emporté par la maladie et doit faire face au silence mensonger de la famille qui refuse même d’évoquer l’événement. «J’ai endossé le silence de la mort de mon petit frère. «/ Nous n’avons été qu’une seule et même personne», écrit la chanteuse. Puis ce sera l’abus et le tripotage d’un ami de ses parents, honte et humiliation. La mère, froide et dure. «Quand ça la prend, ma mère me fait mal et, par manque de temps, elle a le pouvoir d’oublier facilement. / Moi la sauvage, je n’oublie pas. / Il s’agit de moi et je me souviens.»

D’autres épreuves viendront frapper la jeune fille. Dans la dure réalité de la pauvreté familiale, exacerbée lorsque le pèe ouvrier est en grève, elle rêve aux vacances en regardant les voitures défiler sur l’autoroute devant la maison. À l’école, des jeux innocents avec une petite camarade lui attirent une punition démesurée: pendant deux ans, elle devra prendre du Gardénal! Elle écrit: «De douze ans à quatorze ans, c’est la page blanche. / Il s’agit de moi et je ne me souviens pas.»

Puis, à seize ans, la rencontre, fulgurante, d’un jeune «homme-loup aux yeux bleu délavé» va faire basculer sa vie dans un nouveau cauchemar. Elle sera internée en institution psychiatrique et soumise à répétition aux électrochocs. On comprend, quand on sait cela, d’où viennent la révolte, la fougue et la violence de cette artiste exceptionnelle, qui révèle ici un véritable talent d’écrivain.

Éd. de l’Archipel, 1999, 160 p.