David Guterson : À l'est des montagnes
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David Guterson : À l’est des montagnes

Ah, les grands espaces! La nature sauvage et inviolable de l’Amérique, décor mythique qui séduit tant nos cousins français. Et inspire encore nombre d’écrivains américains. David Guterson, lui, confronte généralement ses héros au cadre majestueux du Nord-Ouest des États-Unis, là où l’auteur du best-seller La neige tombait sur les cèdres et du recueil de nouvelles Paysages d’hier, paysages de demain vit  lui-même.

Ah, les grands espaces! La nature sauvage et inviolable de l’Amérique, décor mythique qui séduit tant nos cousins français. Et inspire encore nombre d’écrivains américains. David Guterson, lui, confronte généralement ses héros au cadre majestueux du Nord-Ouest des États-Unis, là où l’auteur du best-seller La neige tombait sur les cèdres et du recueil de nouvelles Paysages d’hier, paysages de demain vit lui-même.
Ben Givens, le protagoniste de son nouveau roman, a plutôt choisi de mourir dans le décor de l’État de Washington. Souffrant d’un douloureux cancer du côlon qu’il sait incurable, le chirurgien à la retraite décide de faire une dernière excursion À l’est des montagnes, soit au pays des vergers de pommiers où il a grandi, Éden perdu de sa jeunesse, pour y mettre en scène sa mort, maquillée en accident de chasse.
Mais, bien sûr, rien ne se déroule comme prévu. Un bête accident bousille sa voiture, et retarde son macabre projet. Puis, une séance impromptue de chasse à la perdrix avec son duo d’épagneuls bretons tourne au drame. Le vieil homme de 71 ans n’est pas au bout de ses peines: de péripétie en péripétie, son aventure se transforme en épuisante odyssée. Ben fera des rencontres qui le forceront à aider autrui, et à assumer encore une fois sa mission de médecin – preuve qu’un docteur, même retraité, est toujours utile… Jusqu’à remettre en question son suicide.
Il chemine donc vers une sorte d’acceptation de son sort à travers ce parcours initiatique, qu’interrompent deux longs flash-back, évoquant les moments charnières de la vie de Ben, et liés, d’une façon ou d’une autre, aux événements du présent: la mort précoce de sa mère, vaincue par le cancer; sa rencontre, dans les vergers de son enfance, avec Rachel, qui sera sa femme pendant 54 ans, et dont il vit difficilement le récent décès; sa participation, dans un régiment de montagne, à la boucherie de la Deuxième Guerre mondiale, et notamment une scène saisissante de quasi-résurrection d’un camarade soldat qui déterminera sans doute sa vocation.
Avec leurs dialogues laconiques (sinon plats), leur déroulement linéaire, et l’écriture descriptive et plutôt neutre de Guterson, ces souvenirs ressemblent parfois à une nomenclature de faits impersonnels. Mais, même malgré le caractère convenu – et peut-être très moral – de cette histoire de rédemption spirituelle, le roman contient assez de scènes fortes (dont une lutte sauvage entre des chiens et un coyote…) pour qu’on s’attache aux pas chancelants de ce brave homme au bout de son âge.
À travers l’action, des descriptions minutieuses où la géographie se fait très présente, À l’est des montagnes propose une réflexion discrète sur le vieillissement, sur la mort. Ultime voyage que rarement la vie nous prépare à regarder en face.
Éd. du Seuil, 2000, 283 p.