L'Encyclopédie du petit cercle : Voyage en douce
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L’Encyclopédie du petit cercle : Voyage en douce

La littérature québécoise prend le large avec L’Encyclopédie du petit cercle: dans le temps, dans l’espace, dans l’imaginaire. Marqué par le goût du voyage, de l’ailleurs et des mots qui nous font décoller du réel, cet étonnant recueil de nouvelles est le premier de Nicolas Dickner, un jeune auteur dont on découvre sans surprises qu’il est un grand globe-trotter. Et un amoureux des mots, sans doute…

La littérature québécoise prend le large avec L’Encyclopédie du petit cercle: dans le temps, dans l’espace, dans l’imaginaire. Marqué par le goût du voyage, de l’ailleurs et des mots qui nous font décoller du réel, cet étonnant recueil de nouvelles est le premier de Nicolas Dickner, un jeune auteur dont on découvre sans surprise qu’il est un grand globe-trotter. Et un amoureux des mots, sans doute…

Un avant-propos révèle au lecteur que le narrateur du recueil a exhumé L’Encyclopédie du petit cercle chez un bouquiniste. Ce curieux mensuel des années 70 inventorie des expressions farfelues: «chenilles gastriques», «cancer du Tropique», «Arctique affectif»… L’auteur s’emploie donc à exemplifier ces définitions inventées – drôles et/ou poétiques – par de petits récits ludiques et souvent érudits, qui renvoient à cet ouvrage «borgésien». En effet. Clins d’oeil à l’appui, L’Encyclopédie… rend à Jorge Luis ce qu’il doit au brillant auteur de Fictions.

Bouquet de nouvelles qui dérivent dans le temps et la géographie, mêlant l’Égypte ancienne, l’art contemporain, l’entomologie, le recueil emprunte à peu près la structure circulaire qu’on prête à l’Histoire: quelques personnages y font des apparitions récurrentes, sans souci de vraisemblance ou de linéarité. Et au premier chef Karyne, la fausse anthropologue et vraie mythomane qui vient de quitter le lit du narrateur, et que celui-ci traque à travers des histoires qui lui inventent plus ou moins un parcours, à partir de quelques détails glanés sur son passé, réel ou imaginaire… Karyne y est saisie à plusieurs étapes de sa vie supposée, toujours affamée de destinations lointaines.

Mais plus qu’une géographie réelle, on dresse dans ces nouvelles une cartographie du rêve, jouant sur la représentation de mondes. Comme l’héroïne du Temps perdu, qui prépare un périple maritime sur son nouveau voilier: «(…) les îles que j’espère ont émergé d’une tectonique du rêve, de ma dérive des plaques personnelle. Figée dans ses coordonnées circulaires, la cartographie demeure à jamais en marge de ce qu’elle tente de décrire. En préparant mon voyage sur cartes, j’essaie en fait de déduire le rêve d’une dormeuse de ce qui l’entoure, tel Dali observant une abeille vrombir autour d’une pomme-grenade.»

Ainsi, les paysages se brouillent, le réel s’envole comme un papillon: le Québec devient forêt équatoriale sous les yeux rêveurs d’une fillette de dix ans (Karyne, toujours), (la belle nouvelle Reconquista, sur l’amitié enfantine); un globe terrestre abîmé peut déverser tout le sable du monde dans une salle de classe transformée en désert (La Clé des vents); et la mythique Alexandrie, cacher autant d’univers homonymes et différents…

Le jeune auteur de 28 ans manie brillamment une plume alerte, précise et fort attrayante, qui nous entraîne avec une aérienne légèreté et une grande richesse d’imagination dans ce voyage vers des dimensions inconnues que permet la littérature. Ce premier tome d’une trilogie annoncée (tant mieux) se délecte savoureusement, avec le dictionnaire et l’atlas à portée de main…

L’Encyclopédie du petit cercle de Nicolas Dickner
Éd. L’instant même, 2000, 108 p.

L'Encyclopédie du petit cercle
L’Encyclopédie du petit cercle
Nicolas Dickner