Julie Doucet/Geneviève Castrée : Affaire Madame Paul/Lait frappé
Livres

Julie Doucet/Geneviève Castrée : Affaire Madame Paul/Lait frappé

Montréal vient d’adopter le chardonneret jaune comme emblème, mais le plus bel oiseau en ville est en papier et porte le nom d’Oie de Cravan. Éditeur spécialisé en poésie…@journaliste: Éric Paquin@image: li_madame.jpg

Montréal vient d’adopter le chardonneret jaune comme emblème, mais le plus bel oiseau en ville est en papier et porte le nom d’Oie de Cravan. Éditeur spécialisé en poésie, L’Oie opère sans aucune subvention gouvernementale depuis 1992, publiant également la jolie Revue des animaux, qui marie dessins et poésies. Ce faisant, rien de plus naturel pour cette maison que de frayer occasionnellement dans l’univers de la bande dessinée. Cette année, elle ajoute à son catalogue les oeuvres de deux importantes créatrices québécoises: Julie Doucet et Geneviève (dite Fidèle) Castrée.

On suivra les péripéties d’une jeune locataire du quartier Centre-Sud, préoccupée par la brusque disparition de son indiscrète concierge dans L’Affaire Madame Paul. Julie Doucet, une des seules bédéistes québécoises à vivre de sa plume et de son pinceau, et à être traduite dans de nombreuses langues, signe cette drôle d’histoire originellement parue en feuilleton dans l’hebdomadaire Ici en 1999. L’Oie de Cravan immortalise donc une oeuvre déjà connue, mais que le journal jetable condamnait irrémédiablement à l’oubli.

Alors que le mode de parution hebdomadaire avait comme principal désavantage la difficulté de suivre l’histoire, morcelée, la présente édition peut toutefois déranger dans la mesure où l’on y a laissé les résumés des épisodes précédents en tête de chacun (un par planche), alourdissant une oeuvre dont le dessin est par ailleurs fort chargé (style habituel de Doucet). Les principales qualités du livre restent son sens de la dérision, sans oublier la restitution dun cadre montréalais populaire frappant de vérité.

Lait frappé de Geneviève (Fidèle) Castrée est une belle surprise. Difficile de résumer cette bande muette, dans laquelle on assiste aux mésaventures et aux fantasmes félins d’une jeune fille. Avec sa couverture et ses titres de chapitres écrits en russe (traduits en rançais à la fin de l’album), le livre affiche le goût de mystère qui anime son auteure, laquelle peint des émotions par ailleurs universelles: la tristesse, la dépression, le désir, l’agressivité, la peur.

L’album de cette jeune créatrice émeut par son style pictural unique, par l’exploration qu’il propose du genre de la bande dessinée. Divisé en neuf parties, il adopte autant de formats différents de vignettes, créant des résultats surprenants dans le passage d’une partie à l’autre. Le dessin lui-même varie, les plans rapprochés d’un chapitre succédant aux courbes ou aux effets déformants d’un autre. Travaillant principalement à l’encre (pinceau et plume), Geneviève Castrée utilise quelquefois les crayons et l’acrylique pour certains effets que la qualité de cette édition nous permet, enfin, de goûter.

Éd. L’Oie de Cravan, 2000