Le Premier Sexe : La mort de Superman
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Le Premier Sexe : La mort de Superman

C’est comme une tonne de briques: vous pensez que les choses changent, et on vous balance que les femmes sont allées trop loin, et menacent désormais l’identité masculine. Heureusement, dans la foulée de ce révisionnisme politiquement correct, certains posent de bonnes questions. Comme dans ce livre, Le Premier Sexe, Mutations et Crise de l’identité masculine, qui essaie de comprendre, selon une perspective historique, le mythe du superhéros: d’où vient cette figure à laquelle s’accrochent les sociétés, occidentales ou non?

C’est comme une tonne de briques: vous pensez que les choses changent, et on vous balance que les femmes sont allées trop loin, et menacent désormais l’identité masculine.

Heureusement, dans la foulée de ce révisionnisme politiquement correct, certains posent de bonnes questions. Comme dans ce livre, Le Premier Sexe, Mutations et Crise de l’identité masculine, qui essaie de comprendre, selon une perspective historique, le mythe du superhéros: d’où vient cette figure à laquelle s’accrochent les sociétés, occidentales ou non? Quoi qu’on en dise, c’est tout de même un système patriarcal (oh, le vilain mot!) qui a créé l’institution du père, du chef, du dominateur, du héros, et de toutes les déclinaisons qu’on leur connaît depuis des siècles. Et les femmes n’y sont pas toujours pour rien, mais c’est une autre histoire.

André Rauch, spécialiste des loisirs et du sport, auteur d’essais sur le corps (Le Souci du corps) et sur la boxe (Boxe, violence du XXe siècle), a choisi d’examiner un événement politique fondateur (mais il y en aurait des tas d’autres, similaires): la Révolution française. C’est un moment historique important (et on aurait pu faire la même analyse pour la Révolution américaine) qui donne naissance au culte du citoyen, bon soldat, régénérateur du monde, et surtout, d’une nouvelle société sans roi, sans «père symbolique», à qui l’on vient de couper la tête mettant fin ainsi à l’ancien régime monarchiste.

Rauch examine les lieux du nouvel homme: par exemple, les collèges et lycées, endroits où l’éducation des masses élabore des comportements extrêmements typés pour les garçons, à qui il faudra désormais donner tous les savoirs possibles pour porter le pays à bout de bras. Résultat? «Ce sont eux, essentiellement, qui ont symbolisé l’ascension sociale et témoigné de la réussite. (…) En 1910 encore, les arguments contre les études classiques des filles rappellent qu’elles n’ont que faire du latin, puisqu’elles n’ont pas vocation à étudier le droit ou la édecine; sans perspectives professionnelles, de tels enseignements ne pourraient que produire d’insupportables pédantes.» Malheureusement pour les filles d’alors, la rectitude politique n’existait pas et elles avaient tout juste le droite de se taire.
Passons.

La fin du dix-hutième siècle est un véritable ferment pour l’homme du futur: on y développe une nouvelle fraternité, avec tout ce que celle-ci compte de rites d’initiation (Rauch évoque notamment la paillardise du nouveau citoyen, qui assure ainsi sa bienfaisante virilité); on sublime également l’homme qui meurt pour sa patrie, sur ce champ d’honneur, lieu du sacrifice masculin; et, plus important encore, la nouvelle république redéfinit autrement les rôles sexuels, puisque se séparent plus que jamais le privé et le public, faisant apparaître une notion toute neuve encore: l’intimité, à laquelle, on le devine, les femmes sont liées, elles qui deviennent les gardiennes nourricières de ces nouveaux citoyens.

Bref, un ouvrage qui ne dit rien de tout à fait nouveau, mais qui, avec l’exemple de la Révolution française, expose les enjeux politiques des assignations faites aux hommes et aux femmes dans une société donnée. L’intérêt pour nous est d’oser la comparaison, et de se demander si, deux mille ans après Jésus-Christ, et si peu de temps après l’apparition des premières démocraties, les femmes ont véritablement trouvé, dans le monde, cette égalité que l’on a tant chantée.

Le Premier Sexe
Mutations et Crise de l’identité masculine
Éd. Hachette/Histoires, 2000, 291 p.