Albert Cossery : Les Couleurs de l'infamie
Livres

Albert Cossery : Les Couleurs de l’infamie

Albert Cossery a toujours eu en affection les gentlemen cambrioleurs. Dans Les Couleurs de l’infamie, on retrouve l’un de ses personnages de prédilection, qu’un concours de circonstances engage dans une folle aventure. Aventure contée à la manière de Cossery, c’est-à-dire avec un mélange d’humour, de cynisme et d’ingéniosité.

Albert Cossery

a toujours eu en affection les gentlemen cambrioleurs. Dans Les Couleurs de l’infamie, on retrouve l’un de ses personnages de prédilection, qu’un concours de circonstances engage dans une folle aventure. Aventure contée à la manière de Cossery, c’est-à-dire avec un mélange d’humour, de cynisme et d’ingéniosité.

Dans la cité millénaire d’Al Qahira, en Inde, un jeune et élégant pickpocket nommé Ossama oeuvre avec beaucoup de doigté, volant de préférence les riches pour prendre soin de son père aveugle et échapper lui-même à la misère. Un jour, en ouvrant un portefeuille frais piqué, il découvre une lettre fort compromettante pour un promoteur immobilier très en vue, ami du pouvoir et des autorités. Noir sur blanc s’y trouve la preuve de sa responsabilité dans l’effondrement d’un immeuble où d’innocents citoyens ont perdu la vie.

Conscient de la valeur de sa trouvaille, mais ne sachant trop quoi en faire, Ossama demande conseil à son maître et ami, Nimr, qui lui a montré tous les trucs du métier. Ce dernier, lui-même embêté, conduira son disciple auprès de Karamallah, son propre maître, un vieil homme banni de la cité et vivant désormais dans un cimetière. Esprit indépendant et rusé, fin observateur des moeurs des hommes, Karamallah saura, lui, profiter pleinement de cette occasion. C’est lui qui mènera le jeu, dont le but est de donner une bonne leçon à cet escroc de promoteur, mais aussi de fouiller un peu plus les ténèbres de l’âme humaine. «On apprend toujours quelque chose en côtoyant l’infamie», dira-t-il.

Les trois comparses vont donc attirer la crapule dans un piège raffiné. Lui annonçant qu’ils ont retrouvé la lettre, ils vont l’inviter à les rejoindre dans un café. Dans une joute verbale délicieuse de cynisme, où le promoteur est contraint de confesser ses crimes, cette confrérie de voleurs philosophes ridiculisera le bandit avec un tact inouï. Ossama sera d’ailleurs ébahi par la maîtrise dont fait montre Karamallah, au point de réprimer avec peine lecoup de grâce. «Sa jeunesse enflammée l’incitait à ne plus retarder ce moment et il se demandait si Karamallah avait assez appris de ce dignitaire d’un ordre scélérat, ou bien s’il voulait se repaître de toutes les couleurs de l’infamie.»

Il faut dire que le sort dévolu à ladite missive ( que nous laisserons aux lecteurs le soin de découvrir eux-mêmes (a de quoi pousser au repentir le plus fieffé hors-la-loi.
On nous dit qu’il s’agit du dernier roman d’Albert Cossery. Si tel est le cas, Les Couleurs de l’infamie clôt de manière éloquente une fort belle carrière d’écrivain.

Éd. Joëlle Losfeld
1999, 152 p.