André Jacques : Les Lions rampants
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André Jacques : Les Lions rampants

Ils ne sont pas légion, les romans québécois qui mettent Montréal au centre d’une intrigue policière aux complexes ramifications de politique internationale. Enseignant et coordonnateur du programme Arts et Lettres au Collège de la Région de l’amiante (Thetford Mines), André Jacques a mis sept années à écrire Les Lions rampants, un premier roman à la fois léger et solide, entremêlant réalité et fiction sur fond de poudrière  balkanique.

Les Lions rampants
d’André Jacques
Ils ne sont pas légion, les romans québécois qui mettent Montréal au centre d’une intrigue policière aux complexes ramifications de politique internationale. Enseignant et coordonnateur du programme Arts et Lettres au Collège de la Région de l’amiante (Thetford Mines), André Jacques a mis sept années à écrire Les Lions rampants, un premier roman à la fois léger et solide, entremêlant réalité et fiction sur fond de poudrière balkanique. C’est un Montréal cosmopolite et grouillant sous la surface de motards criminalisés, de néo-nazis, qui est dépeint ici. Une ville ouverte sur le monde, pour le meilleur et pour le pire, mais loin d’être tricotée serré. Enfin.
L’intrigue des Lions rampants démarre doucement, par une journée neigeuse d’avril, au magasin d’Alexandre Jobin, un major de la police militaire à la retraite, recyclé en antiquaire habile à rouler les clients. L’une d’eux retient son attention: une jolie jeune femme aux yeux de lavande, répondant au nom inoubliable de Chrysanthy Orowitzn. D’autant plus que le passage de la stagiaire d’origine "slavique" et grecque, venue louer des objets pour meubler un décor de cinéma, est bientôt suivi du meurtre de l’accessoiriste en chef sur le plateau de tournage.
Le lendemain, le major doit voler au secours de la belle, séquestrée par d’affreux skins, qui voudraient bien mettre la main sur un certain lion de bronze, déniché dans le bric-à-brac de l’antiquaire et récupéré par Chrysanthy. La sculpture se révèle être un enjeu symbolique d’une grande importance pour certaines factions: l’emblème de la Slavitzine, un pays inventé que l’auteur a doté d’une histoire explosive, et qu’il a bien sûr niché dans la tulmutueuse région des Balkans. Comme ses voisines, cette nation au régime déstabilisé est divisée en plusieurs clans, nourris de haines ancestrales…
Pris en chasse par de mystérieux assaillants, le couple s’engage dans une dangereuse enquête, où se succèdent meurtres, filatures, enlèvement… Fort de son expérience, le major manoeuvre avec élégance, autorité et intelligence, gardant certaines cartes dissimulées dans sa manche – même pour le lecteur.
Le roman contient tous les ingrédients que commande un genre qui emprunte au polar et au roman d’espionnage: une belle en danger (mais au tempérament très affirmé), un héros habile et intrépide, de multiples péripéties, et une toile de fond plus sérieuse pour soutenir le tout: la montée des fascismes, en Europe centrale et ailleurs. Les mondes que l’auteur aborde (autant celui des antiquaires que le domaine militaire ou politique) sont suffisamment documentés pour être crédibles.
Alimenté d’allusions à la bande dessinée (avec la Slavitzine, on pense un peu à Tintin et à sa Syldavie imaginaire, d’autant qu’un des personnages est surnommé "L’Oreille cassée"!) et au cinéma (c’est "comme dans les films", remarquent souvent les héros), Les Lions rampants demeure avant tout un divertissement agréable, même s’il est assis sur des problématiques réelles.
En dépit de certaines explications historiques à saveur pédagogique traînant un peu en longueur, et de quelques maladresses, parfois, dans la transition du dialogue direct à la narration indirecte, André Jacques mène son affaire avec la même assurance compétente que son James Bond québécois dirige l’enquête. Et non sans humour. Une écriture généralement alerte, des dialogues vivants, une intrigue qui soutient l’intérêt: que demander de plus pour un premier roman? On imagine bien ça sur grand écran…

Éd. Québec/Amérique, 2000, 361 p.