Pierre Bertrand : Éloge de la fragilité
Livres

Pierre Bertrand : Éloge de la fragilité

Nous sommes bien peu de chose: autrefois, c’était en se comparant à des divinités que les hommes se servaient des leçons d’humilité; ce sont désormais les réalités de l’univers, la connaissance des galaxies, par exemple, qui nous dévoilent notre petitesse.
"[L]’homme a cru plus facilement à l’au-delà qu’à l’ici-bas", remarque Pierre Bertrand. Et L’Éloge de la fragilité qu’il se propose de faire dans son plus récent ouvrage se veut une revalorisation de ce qui nous lie à cet  ici-bas.

Nous sommes bien peu de chose: autrefois, c’était en se comparant à des divinités que les hommes se servaient des leçons d’humilité; ce sont désormais les réalités de l’univers, la connaissance des galaxies, par exemple, qui nous dévoilent notre petitesse.
"[L]’homme a cru plus facilement à l’au-delà qu’à l’ici-bas", remarque Pierre Bertrand. Et L’Éloge de la fragilité qu’il se propose de faire dans son plus récent ouvrage se veut une revalorisation de ce qui nous lie à cet ici-bas.

Pourquoi l’univers existe-t-il? Pourquoi vivons-nous? Bertrand avance une réponse tellement simple qu’elle risque d’être la bonne: "Il n’y a d’autre but à la vie que de vivre, comme il n’y a d’autre but à l’univers que d’être." Nous n’avons peut-être pas plus de raisons d’être que la plus simple des pierres ou des plantes: "L’homme n’est pas plus responsable d’être homme, que le chien d’être chien, le lion lion, la tulipe tulipe, etc." Nous existons, nous sommes là, et c’est tout: "L’homme n’a d’autre destin que d’habiter du mieux qu’il peut ce qu’il est ou ce qui lui arrive. C’est dans l’intensité de sa présence au monde que se situe le véritable enjeu."

Sauf que notre pensée et notre imagination, qui nous distinguent éventuellement des animaux, nous empêchent de coller, d’adhérer totalement à la réalité. Il nous est impossible de nous contenter de vivre: nous ne cessons de réfléchir à notre existence. Tandis que la vie d’un animal relève entièrement d’une participation immédiate au monde et aux choses qui l’environnent. Aussi, si nous désirons vraiment comprendre ce qu’est notre vie, ce ne peut être qu’en faisant l’effort de renouer avec la simplicité de l’animal: "La philosophie est […] une démarche, si sophistiquée soit-elle, pour s’approcher d’un état de grande simplicité. L’animal connaît naturellement, instinctivement, un tel état, ce pourquoi il suscite notre étonnement et notre admiration, et que nous ne nous fatiguons jamais de le contempler. […] Ce que l’animal connaît sans y penser, l’homme doit en faire toute une philosophie."

On aura compris qu’Éloge de la fragilité est une réflexion philosophique de haute volée. Ce qui, chose rare, n’empêche pas pour autant l’ouvrage d’être accessible aux lecteurs et trices non initiés. Entre autres parce que les passages les plus ardus du bouquin sont refoulés dans les notes en bas de page. Et que l’expression n’y sombre pratiquement jamais dans le "jargonnage savantard".

Éloge de la fragilité est certes un ouvrage exigeant. Et on pourrait chicaner sur la présence de longs passages sur le concept d’écriture qui ne contiennent pas grand-chose qui n’ait déjà été dit ailleurs, ainsi que souligner la présence de répétitions abusives (Bertrand ne cesse d’introduire ses citations avec les mêmes formules: "comme le dit Untel", ou "pour le dire dans les mots de Tel Autre").

Ce bouquin n’est sans doute pas le meilleur de la quinzaine d’ouvrages qu’a signés Pierre Bertrand (Logique de l’excès, publié en 1996 aux Herbes rouges, me semble être sa grande réussite). Il reste que cet Éloge de la fragilité est une saisissante réflexion sur la bien petite place que chacun de nous occupe au sein du cosmos.

Éd. Liber, 2000, 209 p.