André Brochu : Matamore premier
Né au début des années quarante, André Brochu est de cette génération de "nationalistes nostalgiques, devenus la risée de tous", de ceux qui ont rêvé d’un Québec souverain et français, et qui, contrairement à beaucoup parmi les autres qui sont venus après, n’ont pas rayé le rêve de leur discours. Avec Matamore premier, André Brochu pimente le rêve d’humour.
Création littéraire ayant pour thème la politique québécoise et canadienne. (Tss tss. Ne sautez pas tout de suite à un autre article.)
Style: la farce. Durée: le temps pour un politicien de virer son capot de bord, c’est-à-dire pas mal vite… Son titre: Matamore premier. Son auteur: André Brochu, un écrivain de grande classe, dont il faut bien admirer, entre autres qualités, l’audace! Non seulement ose-t-il toutes sortes de genres: la poésie, le roman, l’autobiographie, la nouvelle, l’essai, et, depuis La Grande Langue, en 1993, la farce. Mais voilà qu’après avoir osé mêler si souvent, et si bien, le cul et la religion, il atteint de nouveaux fonds en parlant politique. Le front de cet homme!
Né au début des années quarante, André Brochu est de cette génération de "nationalistes nostalgiques, devenus la risée de tous", de ceux qui ont rêvé d’un Québec souverain et français, et qui, contrairement à beaucoup parmi les autres qui sont venus après, n’ont pas rayé le rêve de leur discours. Avec Matamore premier, André Brochu pimente le rêve d’humour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’écrivain n’est pas tendre pour les leaders de la politique canadienne!
Wilfrid Stephen Christian est le premier ministre "de ce pays le plus vanté du monde", tel que l’a exprimé Jean Chrétien dans un de ces moments d’inexplicable frénésie que l’on ne cesse, parmi tant d’autres, de rappeler. "Sorte de Frankenstein animé par une cervelle d’une puissante médiocrité", Christian cache au tréfonds de lui un petit garçon terriblement blessé: conséquence des railleries dont il a été victime, dans sa jeunesse, à Saint-Lin, et qui le poussent aujourd’hui à espérer la disparition de son propre peuple. C’est par ailleurs ce même rêve d’annihilation du peuple canadien-français que caressent, d’une part, la fidèle épouse de Christian, Yvette (le cerveau du couple), et d’autre part Cellophane Dion (alias Hitler, ainsi que le salue Lucien Boucher en l’accusant de "provoquer l’agonie d’une langue et d’une culture en sursis depuis la bataille des plaines d’Abraham. Hi, Cellophane. Hi, Hitler!").
C’est une farce, bien sûr. Et la suite, alors que sont déclenchées les élections fédérales, est plus farfelue encore… N’arrêtant devant rien, Brochu s’en prend alors à répétition aux journalistes Lysiane Gagnon et Alain Dubuc (fils de Carl), faisant d’eux des chroniqueurs interchangeables, l’un devenant Alain-Carl Gagnon, et l’autre, Lysiane Dubuc, tous deux semblant avoir vendu leur âme aux fédéralistes. Puis c’est le processus de décision des électeurs qui est délicieusement ridiculisé.
André Brochu est de ces écrivains dont la plume est si maîtrisée qu’on s’abandonne à eux d’un livre à l’autre, peu importent les différents genres auxquels ils prêtent leur talent. Et si l’on est sensible à leurs thèmes de prédilection, alors on continue de les aimer. Dans le cas de ce Matamore premier, le lecteur qui s’intéresse à la farce, à la chose politique et au rêve d’indépendance y trouvera davantage que d’autres son compte de nourriture littéraire. En tout cas, voilà une farce politique bien d’actualité.
Éd. XYZ, 2000, 195 p.