Jean Charlebois : Chambres de femmes
Livres

Jean Charlebois : Chambres de femmes

Jean Charlebois est poète. Depuis longtemps: ça fait pas loin de trente ans qu’il écrit recueils de poésie et textes de chansons. Depuis peu, il est aussi romancier. Il y a d’abord eu L’Oiselière, en 1998. Voici maintenant Chambres de femmes, un "roman" sur lequel la poésie conserve une forte emprise et qui enterre son sujet sous un torrent de mots.

Jean Charlebois

est poète. Depuis longtemps: ça fait pas loin de trente ans qu’il écrit recueils de poésie et textes de chansons. Depuis peu, il est aussi romancier. Il y a d’abord eu L’Oiselière, en 1998. Voici maintenant Chambres de femmes, un "roman" sur lequel la poésie conserve une forte emprise et qui enterre son sujet sous un torrent de mots.

Ode à la gent féminine, quête de l’amour absolu, Chambres de femmes recompose l’histoire sentimentale de Louis-Marie Simard, un homme sensible, fragile, éprouvé par la tristesse, qui ne semble exister qu’à travers ses amantes. Difficile à suivre, variant les styles narratifs d’un tableau à l’autre, sautant du réalisme à des niveaux plus métaphoriques, cette oeuvre complexe emprunte de multiples visages. Ceux des sept femmes de la vie de Louis-Marie. Des femmes tantôt bien concrètes, tantôt évanescentes comme un rêve.
Parmi celles-ci: Marianne, son premier et éternel amour; Louise-Élise, une femme mûre qui a appris au jeune homme les délices de l’amour physique; Claire, sa "soeur de sang", l’ex-compagne métamorphosée en femme fantôme qui lui apparaît la nuit; Blanche-Philippe, son ange gardien qui soigne son âme; Linda Lamée Lainée L’Aimée (!), une voluptueuse comédienne de films pornos, avec qui Louis-Marie, décidément très gâté côté sexuel, entretient une relation essentiellement charnelle. Ces deux-là baisent beaucoup. Tant mieux, parce que quand ils dialoguent, ça ressemble parfois à ça: "Ne le prends pas mal, mais j’ai mal. Tu me fais du mal en ne me faisant pas de mal. Mais, si tu ne m’aimais plus, je cesserais pour de bon d’aimer la vie pour deux. Je suis malheureuse. Je le suis." Une parodie des profonds échanges des films XXX, peut-être?…

Le livre progresse ainsi, d’un lit féminin à l’autre, existant surtout dans l’espace intangible de la mémoire. Entrecoupé de passages en italique, essentiellement lyriques, l’ensemble dessine une sorte d’amour rêvé. Comme matière romanesque, c’est plutôt maigre, friable, flou. Des pistes narratives sont un peu noyées dans le reste: le rapport de Louis-Marie à sa mère – ce qui nous vaut quelques beaux paragraphes -, à son père, ses terreurs de pensionnaire…

Jean Charlebois se grise de mots. Ouvre de poète plus que de romancier, son livre s’apparente parfois à une accumulation de mots pour les mots. Pour la beauté qu’ils créent, avant tout. Le verbe se fait surtout chair, avec abondance de seins "omniprésents", de "trous troublants". Il y en a pour des pages et des pages de ce déferlement érotico-poétique (que, personnellement, je goûte peu, mais pour lequel il existe certainement des amateurs…). La fusion amoureuse décrite et redécrite de toutes les manières, sous toutes les métaphores. Irriguées par un vocabulaire riche, certes, une invention langagière constante, des images lumineuses ou discutables, des phrases parfois obscures. À l’occasion, on se sent comme Louis-Marie devant la lettre d’une de ses amoureuses: "ne sachant trop que penser de tous ces mots organisés dans un ordre qui lui semblait pour le moins nébuleux".

Mettant à l’épreuve la patience du lecteur, cette logorrhée complaisante dessert plutôt le projet de l’auteur, neutralisant malheureusement le plaisir ou les sentiments que les mots pourraient susciter.

Éd. de l’Hexagone, 2000, 320 p.