Pascal Blanchet : La Fonte des neiges
Il existe toutes sortes de romans fantaisistes. Ceux de type plus ou moins absurde, à travers lesquels transparaît néanmoins une voix singulière et souvent très sensée puis il y a les parodies, et autres simulations, qui étonnent et amusent par le ridicule. Enfin les textes qui enchaînent les situations comiques, en permettant, dans les meilleurs cas, que sourde de l’ensemble une émotion…
Il existe toutes sortes de romans fantaisistes. Ceux de type plus ou moins absurde, à travers lesquels transparaît néanmoins une voix singulière et souvent très sensée (une catégorie très large dans laquelle on peut ranger aussi bien les surréalistes que Lewis Carroll, Italo Calvino ou Émile Ajar); puis il y a les parodies, et autres simulations, qui étonnent et amusent par le ridicule (San Antonio, par exemple, pour faire vite). Enfin les textes qui enchaînent les situations comiques, en permettant, dans les meilleurs cas, que sourde de l’ensemble une émotion.
C’est à cette dernière catégorie, dans laquelle on peut ranger les livres de Stéphane Bourguignon, qu’appartient le premier roman de Pascal Blanchet, qui, comme Bourguignon, a fait ses classes à L’École nationale de l’humour. Sauf que là où le premier (L’Avaleur de sable, Éd. Québec/Amérique, 1993) parvenait à donner un sens à un enchaînement de moments drôles, La Fonte des neiges de Blanchet accumule les flashs à peine amusants, parfois oniriques, avec un manque de cohésion déconcertant.
Le roman s’ouvre pourtant sur une note prometteuse avec la narration cynique des préparatifs de suicide du héros, Paul, qui profite de l’absence de sa colocataire pour décider de s’ouvrir les veines dans la baignoire. "Il essaya d’imaginer dans quel état il serait, deux semaines après sa mort. Et il imagina sa réaction à elle, dont les yeux se révulsaient à la simple vue d’un bout de toast mouillé égaré dans le fond de l’évier."
Malheureusement, le ton du reste de l’histoire est donné dès que, sa colocataire annonçant qu’elle écourte ses vacances, Paul abandonne sans tarder ses projets. À partir de ce moment, ce jeune homme qui "s’était toujours senti ballotté par les événements" se montrera fidèle à lui-même, à répétition. Et, toute la journée, il sera davantage le témoin que l’acteur d’une série d’événements dont certains semblent destinés à faire rire, et d’autres à étonner par leur étrangeté. Ainsi, il se rendra au restaurant où il fait le ménage, pour voir qu’une horde de majorettes ont envahi l’endroit, menées par la poigne ferme d’une directrice qui poussera l’autorité jusqu’à aller remplacer le chef aux cuisines, pendant que Paul, Dieu sait pourquoi, se tranche deux doigts; etc., etc.: bref, une suite de scènes peu plausibles qui ne disent au bout du compte rien de l’état d’esprit de Paul, sinon peut-être qu’il hallucine un peu…
Cette mollesse du personnage, son indécision auraient certes pu faire la force de l’histoire: pour cela il aurait fallu qu’il prenne toute la place, au lieu de flotter à la surface, laissant le lecteur dessiner ses contours. C’est bien là un problème commun aux premiers romans, dans lesquels les enchaînements d’images et de mots tiennent souvent lieu d’émotions. Mais c’est vers l’intérieur que doit plonger l’auteur. Pascal Blanchet montre bien le désir d’y aller, à la fin seulement de son roman. Dommage que son cri arrive si tard.
Éd. Lanctôt, 2000, 143 p.