Philip Pullman : Les Royaumes du Nord
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Philip Pullman : Les Royaumes du Nord

En 1995, deux ans avant que ne paraisse sur les tablettes Harry Potter and the Philosopher’s Stone, roman jeunesse-culte de la Britannique J.K. Rowling, son compatriote Phillip Pullman publiait le premier tome d’une trilogie fantastique pour les jeunes (À la croisée des mondes). Le Royaume du Nord allait paraître en français en 1998, immédiatement suivi du deuxième tome, La Tour des anges: deux romans aussi complexes et séduisants d’étrangeté que l’ont été pour les générations précédentes les textes de Tolkien et de Lewis Carroll. Et la bonne nouvelle, c’est qu’ils sont aujourd’hui offerts en livres de poche.

Les Royaumes du Nord (À la croisée des mondes, tome 1)
de Philip Pullman
En 1995, deux ans avant que ne paraisse sur les tablettes Harry Potter and the Philosopher’s Stone, roman jeunesse-culte de la Britannique J.K. Rowling, son compatriote Phillip Pullman publiait le premier tome d’une trilogie fantastique pour les jeunes (À la croisée des mondes). Le Royaume du Nord allait paraître en français en 1998, immédiatement suivi du deuxième tome, La Tour des anges: deux romans aussi complexes et séduisants d’étrangeté que l’ont été pour les générations précédentes les textes de Tolkien et de Lewis Carroll. Et la bonne nouvelle, c’est qu’ils sont aujourd’hui offerts en livres de poche.

Phillip Pullman est un spécialiste de la littérature médiévale qui a accroché sa toge de professeur à Oxford en 1982; il ne fait plus désormais qu’écrire des livres pour enfants. Pas prétentieuse pour deux sous, son oeuvre est certainement érudite: mais c’est une érudition qui passe comme une lettre à la poste, comme un traité de philosophie tissé dans un film d’action.

Tel que l’annonce le titre de la trilogie, À la croisée des mondes, l’histoire qu’y raconte Pullman a lieu, littéralement, dans divers mondes.
Le premier volume s’ouvre sur un univers qui évoque l’Université d’Oxford, l’auteur dépeignant avec beaucoup de conviction la légendaire austérité de l’institution de haut savoir. L’atmosphère presque macabre de ces lieux qu’occupent de vieux chercheurs apparemment dénués de sentiments est toutefois teintée de légèreté grâce à la présence de Lyra, une petite fille de onze ans pleine de vie et d’espièglerie.

Mais cette Oxford-là n’est pas celle que l’on croit. À preuve, ici, chaque personne, jeune ou vieille, a pour inséparable compagnon un animal, qu’on appelle un "daemon" (prononcez "démon"), qui est attaché à elle comme par un puissant élastique invisible. Que cet élastique soit rompu, pour quelque raison que ce soit, et l’humain privé de son daemon s’abandonne à la mort. C’est que le daemon est la représentation de l’identité d’un individu, la base de son affect; son âme, si l’on préfère. Et puisque l’identité ne peut se fixer qu’à la fin de l’adolescence, le daemon empruntera diverses formes (lion, souris, serpent, mouche, etc.) avant l’adolescence, auquel moment deux événements se produiront: le daemon prendra sa forme définitive, et une espèce de poussière (symbole du désir charnel) se déposera sur l’individu.

L’évolution est un concept fascinant, auquel ne sont certainement pas étrangers les jeunes, même les plus petits, depuis l’engouement provoqué par les Pokemon, les Digimon, et même, en remontant un peu dans le temps, les Transformers. Pullman lui donne des raffinements inespérés, qu’il serait trop long d’expliquer ici, mais qui amènent le lecteur sur des chemins complexes et peu fréquentés en littérature jeunesse.

Là où les aventures de Harry Potter, par exemple, traitent du vécu des jeunes avec un humour intelligent, les romans de Pullman mettent au jour quelque chose de plus profond, de plus tragique. À la croisée des mondes est une fascinante allégorie sur le passage du monde de l’enfance au monde adulte. Et on attend en tout cas le dernier tome, promis pour 2001, avec beaucoup d’impatience.

Éd. Gallimard