Pierre Vadeboncoeur : L'Humanité improvisée
Livres

Pierre Vadeboncoeur : L’Humanité improvisée

L’Humanité improvisée s’ouvre sur une apologie de Gaston Miron. Pierre Vadeboncoeur y présente le poète et son oeuvre comme les incarnations absolues et ultimes de la Littérature, de la Culture, voire de l’Absolu. Et ces pages remplies d’idées majestueuses, qui s’expriment avec une accumulation de majuscules, servent de tremplin à ce qui se veut une virulente dénonciation du postmodernisme.

L’Humanité improvisée

s’ouvre sur une apologie de Gaston Miron. Pierre Vadeboncoeur y présente le poète et son oeuvre comme les incarnations absolues et ultimes de la Littérature, de la Culture, voire de l’Absolu. Et ces pages remplies d’idées majestueuses, qui s’expriment avec une accumulation de majuscules, servent de tremplin à ce qui se veut une virulente dénonciation du postmodernisme: une enseigne sous laquelle le bouquin semble regrouper l’ensemble des expressions culturelles contemporaines.
L’argumentation se veut des plus simples: "Sans Miron et quelques autres, des liens manqueraient tout à fait à la culture, comme on le voit d’une culture sans racines, produits d’une époque amnésique." (L’argument a-t-il vraiment du poids, ou est-ce seulement la phrase qui est lourde…) Si vous ne suivez pas les traces de Miron, vous allez nulle part; si vous ne connaissez pas vos classiques (et Vadeboncoeur ne s’en cache pas; pour lui, cela veut dire: si vous n’avez pas eu la chance d’user vos fesses sur les bancs d’école de "quelques trop rares collèges, dont Brébeuf"…), vous devriez vous la fermer!

Vous n’avez pas mémorisé des pages entières de Claudel ou de Péguy? Alors, vous n’avez rien à dire. Pire encore: vous êtes une menace pour la civilisation! "Les civilisations s’appuient pourtant sur ce qui les honore et ne s’appuient que sur cela. Le classicisme, c’est ce qui maintient les civilisations, voire la civilisation. Le propre de l’époque actuelle, à ces égards, est l’épaisseur de son ignorance et presque le système de cette ignorance. On ne sait pas, on ne sait plus." Plus exactement, on ne sait plus vénérer. Vadeboncoeur reproche à la culture contemporaine son relativisme, sa méfiance envers tout ce qui prétend être la vérité.

Ah! le bon vieux temps où l’on se saoulait de certitudes, où l’"on inculquait à la jeunesse l’idée de l’admirable". Et tout ça, c’est la faute à Mai 68 (comme si les hippies américains n’avaient pas existé)! L’égalitarisme a évacué les vraies valeurs. Y a plus d’élite! C’est là tout le drame: "l’ennui, c’est qu’il y a maintenant une si grande masse d’individus qui parlent ou qui écrivent"! Et l’on dirait bien que, pour Vadeboncoeur, seuls les membres de sa génération (comme Miron) et ses amis (tel l’ineffable Jean Larose) semblent valoir la peine d’être lus. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est parce que vous pataugez dans ce qu’il appelle le "néo-obscurantisme". Et, bien sûr, hors de la culture française, point de salut!
Ce que pleure Vadeboncoeur n’est pas tant la disparition d’une certaine forme de culture livresque. Il regrette le fait qu’on n’ait plus autant de respect qu’on en avait, il y a une génération ou deux, pour ceux qui, comme lui, étaient en position d’étaler leur culture. L’Humanité improvisée, ou la nostalgie de la pédanterie triomphante!

Éd. Bellarmin, 2000, 188 p.