Découvreur de mots : Les Travaux de Philocrate Bé
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Découvreur de mots : Les Travaux de Philocrate Bé

Philocrate Bé, vous connaissez? Non? Enfin, le célèbre linguiste, découvreur de raretés langagières; celui qui, de par le monde, a traqué le moindre mot pour en légitimer l’existence, n’en déplaise aux académiciens. Ça ne vous revient toujours pas?Voici l’occasion de combler ce trou immense dans votre culture. Sur l’invitation de Gilles Pellerin, une série d’auteurs ont brossé le portrait de ce Monsieur Bé, chacun à sa manière, pour que revive le curieux personnage. Canular, dites-vous? Voyons-y de plus  près.

Philocrate Bé, vous connaissez? Non? Enfin, le célèbre linguiste, découvreur de raretés langagières; celui qui, de par le monde, a traqué le moindre mot pour en légitimer l’existence, n’en déplaise aux académiciens. Ça ne vous revient toujours pas?

Voici l’occasion de combler ce trou immense dans votre culture. Sur l’invitation de Gilles Pellerin, une série d’auteurs ont brossé le portrait de ce Monsieur Bé, chacun à sa manière, pour que revive le curieux personnage. Canular, dites-vous? Voyons-y de plus près.

Philocrate Bé s’était donné pour mission de tirer des oubliettes tout mot, même obsolète ou d’emploi limité à quelque village reclus. Comme on le découvrira dans La Filière auvergnate, un texte de Roland Bourneuf, l’énigmatique découvreur avait besoin d’un contact direct avec l’objet de ses recherches. Un homme de terrain, en quelque sorte. "La sémiotique: morne plaine où souffle une bise aigre. Moi, j’ai besoin de sentir le fumet des mots, aromatique comme celui d’un civet aux olives."

Plus loin, dans le délicieux texte de Nicolas Dickner, on apprend aussi que Philocrate est déjà entré par effraction dans une imprimerie, plusieurs nuits d’affilée, pour y imprimer en secret un "atlas lexicographique, un atlas qui indique la position des mots dans le langage". Travail titanesque destiné à recenser l’emploi de termes rares, pour peu qu’ils occupent une place qui leur soit propre dans l’espace sémantique. "Un ouvrage comme celui-ci ne doit rien à la réalité! Ça n’a aucune espèce d’importance que les gens ne puissent pas réellement acheter un scoliflore, ou attraper une pistulette chronique, ou escalader un walibouche flamboyant!"

Éminent chercheur, Philocrate Bé n’a pourtant pas que des exploits à son dossier. Vincent Engel va même jusqu’à l’accuser de collaboration nazie. En effet, recruté par le führer lui-même, il aurait été chargé de traduire en des termes précis et mesurés les grandes lignes de la politique hitlérienne. En outre, il serait l’auteur de la tristement célèbre expression "solution finale". Pas de quoi s’enorgueillir.

Heureuse initiative que ce canular – vous n’aviez pas deviné? -, auquel ont aussi participé Jean-Noël Blanc, Christiane Lahaie, Anne Legault, Claire Martin, Sylvie Massicotte, Pierre Ouellet, Marc Rochette, Lori Saint-Martin et des membres de l’Association Guyane-Québec.

Tous les textes ne sont pas d’égal intérêt, bien sûr. Qui plus est, le personnage présenté par les uns et les autres a des visages multiples, parfois invraisemblables, et le canular s’émousse assez vite. Cela dit, on referme ce livre enchanté par tant d’invention, amusé par tant d’humour, heureux que la littérature puisse aussi être l’occasion de telles folies.

Coédition L’instant même/Musée de la civilisation, 2000, 208 p.