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Howard Fast : Mémoires d’un rouge

Pour la plupart d’entre nous, le nom de Howard Fast évoque peu de chose. Jusqu’à ce qu’on l’associe à Spartacus: le célèbre film que Stanley Kubrick a adapté d’un de ses romans. Le bonhomme a pourtant écrit plus de 60 bouquins, dont une quarantaine sont traduits en  français.

Pour la plupart d’entre nous, le nom de Howard Fast évoque peu de chose. Jusqu’à ce qu’on l’associe à Spartacus: le célèbre film que Stanley Kubrick a adapté d’un de ses romans. Le bonhomme a pourtant écrit plus de 60 bouquins, dont une quarantaine sont traduits en français. Sauf que ces titres (principalement des récits historiques et des polars) s’inscrivent au registre de la littérature populaire. Ce qui explique en partie le fait que, malgré des millions d’exemplaires vendus dans des dizaines de langues, le nom de Howard Fast ne figure pas au panthéon de la littérature avec un grand L. Et que l’auteur ait été communiste n’a pas dû aider non plus.

Dans Mémoires d’un rouge, Howard Fast raconte les quarante et quelques premières années de sa vie, de sa naissance en 1914 jusqu’au moment de sa désaffiliation du Parti communiste états-unien, en 1957, au lendemain de la révélation, par Khrouchtchev, des crimes du stalinisme. Fils d’un immigrant juif ukrainien, l’écrivain est de la génération dont la jeunesse a coïncidé avec la Grande Dépression. La pauvreté, il connaît; l’intolérance, aussi. Il sait que survie et solidarité vont de pair, et qu’il est suicidaire de compter sur les riches pour se sortir de la misère.

Et puis il y a eu la guerre, et surtout le fascisme. Être communiste, aux États-Unis, au tournant des années 30 et 40, était synonyme de lutte contre le nazisme, contre le chômage, contre le racisme. Pas étonnant que bon nombre des hommes et des femmes qui avaient le moindrement de conscience sociale se soient laissé séduire par les… agents de Moscou!

Mais voilà qu’une fois la guerre finie, le fascisme n’était pas mort pour autant. Aux États-Unis, tout ce que le pays comptait alors d’activistes est désormais confronté à la dictature de J. Edgar Hoover (que Fast décrit comme un petit führer fantôme), et de ses sbires du FBI et de la CIA. Des centaines d’acteurs, de journalistes, d’écrivains et de syndicalistes perdent leurs sources de revenus. Howard Fast est de ceux qui tâteront même de la prison pour avoir refusé de collaborer avec le comité des activités antiaméricaines.

Au même moment, le Parti communiste états-unien se soumet de plus en plus à l’emprise du stalinisme triomphant. La liberté d’expression est dès lors attaquée sur deux fronts. Et Howard Fast voit ses publications démolies d’un côté par ceux qui n’y lisent rien de plus qu’une infâme propagande communiste et, de l’autre, par les apôtres de l’orthodoxie soviétique.

On aura compris que Mémoires d’un rouge témoigne d’une époque terrible et fascinante. Beaucoup se demandent aujourd’hui: comment a-t-on pu être communiste? Le livre de Howard Fast répond qu’il fut un temps où, pour quiconque refusait de faire la sourde oreille aux maux de son époque, il était difficile de faire autrement. Et qu’il est peut-être préférable d’avoir été aveugle aux erreurs du communisme, plutôt que d’avoir été complice de l’horreur fasciste.

Mémoires d’un rouge
de Howard Fast
Éd. Rivages, coll. Écrits noirs, 2000, 453 p.