Olga Hazan : Le Mythe du progrès artistique
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Olga Hazan : Le Mythe du progrès artistique

Nous préférerions tous croire que le progrès existe. Cela serait bien rassurant de se dire que l’humanité va dans le bon chemin et que l’histoire a un sens. Mais est-ce si sûr? Dans Le Mythe du progrès artistique – en nomination pour un Prix du Gouverneur général 2000 – l’historienne de l’art Olga Hazan analyse les ramifications de ce concept de progrès

Nous préférerions tous croire que le progrès existe. Cela serait bien rassurant de se dire que l’humanité va dans le bon chemin et que l’histoire a un sens. Mais est-ce si sûr?

Dans Le Mythe du progrès artistique – en nomination pour un Prix du Gouverneur général 2000 – l’historienne de l’art Olga Hazan analyse les ramifications de ce concept de progrès (et celui de déclin qui inévitablement l’accompagne) dans des ouvrages d’historiens de l’art, parmi les plus importants de la discipline, qui ont plus souvent qu’autrement fait l’apologie des théories évolutionnistes. Cela va de Vasari, à la Renaissance, à Wölfflin et Panofsky, au XXe siècle, en passant par Winckelmann au siècle des Lumières…

Étrangement, malgré l’usage excessif qu’en ont fait ces auteurs, ce concept n’avait encore inspré aucun ouvrage majeur. Tâche aveugle?

Peut-être bien, en effet. Car si le propos devient si passionnant dans la seconde partie, c’est qu’Hazan se demande si ce n’est pas la nature même de l’histoire de l’art que de produire un tel type de récit. La discipline serait-elle minée de l’intérieur, constamment en train de produire une belle histoire, presque héroïque, menant l’art à une capacité de plus en plus grande à prendre possession ou à représenter le réel? Dans son analyse des livres qui effectuent des survols historiques de l’Antiquité jusqu’à l’art moderne (avec comme exemples Janson et Gombrich), l’auteure montre en effet comment la capacité de l’art à copier le réel, la mimesis, se révèle être bien souvent la norme pour juger de la valeur d’une oeuvre.

Évidemment, Hazan a produit un ouvrage spécialisé. Mais même les néophytes (bien sûr amateurs et curieux du monde l’art) se laisseront prendre par l’aventure du progrès, à travers les âges, racontée par cette théoricienne.

Ce livre a toute son importance à notre époque où la figuration est redevenue si importante et où le public, ainsi que les spécialistes – c’est l’implacable leçon qu’il faut tirer du livre d’Hazan – risquent de se replier, plus ou moins consciemment, sur la notion (nébuleuse) de réalisme pour juger des oeuvres. Et cela en particulier au moment où les nouvelles images technologiques renforcent (en prenant le relais de la peinture, de la photo, du cinéma…) l’idée d’un monde virtuel de plus en plus réel.

On appréciera particulièrement ce livre car Hazan y poursuit brillamment une réflexion menée par plusieurs intellectuels sur la manière d’écrire l’histoire en général. Une des figures marquantes, au XXe siècle, de cette pensée étant Claude Lévi-Strauss qui dans Race et Histoire – paru maintenant il y a presque 50 ans – a pourfendu cette idée de progrès en démontrant qu’elle était utilisée pour, entre autres, donner le beau rôle à un Occident colonisateur se croyant plus "civilisé"…

Il était temps qu’un livre sur les usages du concept de progrès en histoire de l’art paraisse; il est bien que ce soit ce livre-là. Éd. Les Presses de l’Université de Montréal, 2000, 460 p.