René Jacob : Dimanches et jours de fêtes
Avec ce quatrième bouquin, RENÉ JACOB, le pharmacien de Vallée-Jonction, remonte un peu plus loin dans ses souvenirs d’enfance. Voyage au temps jadis.
Qui parle encore, en l’an 2000, de la mi-carême, de la Fête-Dieu ou des Mardis gras d’antan? Personne, ou peu s’en faut. Sans doute associons-nous à ces traditions à peu près oubliées le souvenir d’une époque sombre, d’un Québec asservi autant que dévot.
René Jacob, lui, se remémore volontiers l’esprit d’autrefois. Petit Proust de la Beauce, il retrouve aisément ses émotions de gamin, emporté non pas par la saveur d’une madeleine trempée dans le thé mais bien par une odeur évoquant les pâtés de Noël de sa maman, ou encore la sensation d’un cornet de crème glacée fondant sur ses mains. "La mémoire emprunte parfois des sentiers inattendus", écrira-t-il. Ce Dimanches et jours de fêtes est ainsi fait de dix-neuf récits courts, le plus souvent inspirés par des fêtes chrétiennes, mais aussi par des événements inusités, le passage de la reine Élisabeth à Vallée-Jonction, par exemple. Ces histoires sont illustrées par quelques oeuvres de Clémence DesRochers, dont l’art naïf accompagne à merveille les souvenirs réveillés.
Plusieurs des récits débutent au temps présent. Il suffit que le René Jacob adulte entreprenne d’aménager sa crèche de Noël pour basculer soudain des décennies plus tôt, alors que l’arrivée d’un nouveau personnage dans la crèche de son enfance représentait un grand événement. Suffit encore que le beaujolais nouveau arrive en grande pompe sur les tablettes de la SAQ pour que revivent oncle Alfred ou madame Taxi Roy, qui concoctaient leur "beaujolais nouveau" bien à eux – celui de l’oncle Alfred laissait présager de fort joyeuses fêtes: "Les ingrédients de la recette ne mentent pas sur la teneur en alcool du mélange: 1 pinte de vin de table, 1 pinte de gin, 1 pinte de ginger ale, de la glycérine."
Plus loin, l’auteur s’aventure du côté de la fiction, alors que Marcel Proust en personne débarque à Vallée-Jonction. Il y est accueilli par tante Lucina, qui croira plus tard avoir côtoyé un revenant. "Moi, j’écris ton histoire ma tante Lucina. J’ai beau me promener dans les Combray que je m’invente, les seuls revenants que je croise, ce sont mes mots."
Il y a dans ces textes quelque chose de bon enfant. On pourrait d’ailleurs se lasser de tels fragments autobiographiques racontant des scènes en apparence banales, d’autant que cet attachement aux fêtes d’antan revêt un caractère quasi passéiste. Mais René Jacob ne porte pas le jugement de l’adulte sur ses naïvetés enfantines, et ne nous incite pas à le faire. Il ravive des expériences lointaines pour en goûter encore le charme, plus sensible à l’anecdote qu’au contexte historique.
Proust avait ses détracteurs, dont Paul Claudel. "Comment peut-on accorder autant d’importance à des historiettes personnelles alors qu’il se passe tant de choses importantes dans le monde?" disait-il en substance. Mais y a-t-il vraiment plus important et plus précieux que la magie brillant dans le regard d’un enfant? René Jacob sait fort bien ressusciter cette magie. Éd. Le Loup de Gouttière, 2000, 101 p.