Marc Weitzmann : Mariage mixte
On parle beaucoup de l’invasion du champ du roman par l’autofiction. Or il y aurait, selon Philippe Lançon, critique littéraire à Libération, une nouvelle tendance issue de la même branche: "le cannibalisme des faits par l’autofiction". Marc Weitzmann, journaliste aux Inrockuptibles, cousin de Serge Doubrowsky, auteur de trois romans, en est un digne représentant.
On parle beaucoup de l’invasion du champ du roman par l’autofiction. Or il y aurait, selon Philippe Lançon, critique littéraire à Libération, une nouvelle tendance issue de la même branche: "le cannibalisme des faits par l’autofiction". Marc Weitzmann, journaliste aux Inrockuptibles, cousin de Serge Doubrowsky, auteur de trois romans, en est un digne représentant.
Dans Mariage mixte, son dernier roman, il s’approprie de façon plutôt opportuniste un fait divers sordide. En contemplant les démons des autres, il confronte les siens, et apporte ainsi un peu d’action à un récit qui autrement aurait été bien plat.
Le fait divers en question remonte à bientôt dix ans. Le 21 mars 1991, Jean-Louis Turquin, un riche vétérinaire de Nice, signale à la police la disparition de son fils de huit ans, Charles-Édouard. L’homme est en pleine débâcle conjugale. Sa femme a quitté le foyer et demandé le divorce. Un soir au cours duquel Turquin tente de renouer avec elle, celle-ci l’incite à admettre qu’il a tué leur fils. La confession est enregistrée à l’insu de Turquin.
Quand la police met la main au collet du présumé enfanticide, le vétérinaire jure qu’il n’a fait que dire ce que sa femme voulait entendre. Évidemment, cela ne suffira pas à l’innocenter. Même si le corps du petit Charles-Édouard n’a jamais été retrouvé, Turquin est condamné à vingt ans de prison. Mais il continue de clamer son innocence, et de prétendre que
son fils vit aujourd’hui en Israël, où sa femme, qui s’est convertie au judaïsme, a séjourné pendant plusieurs mois. Voilà pour la réalité. Sous la plume de Marc Weitzmann, Jean-Louis Turquin est devenu Jean-Christophe Cottard, sa femme, Michèle, est devenue Claude,
seul leur fils a gardé son prénom, et tout l’exercice littéraire se voit qualifié, dans une postface prudente, "de rêverie". "(…) les significations que l’on serait tenté d’accorder à ce livre, écrit Weitzmann, et en particulier les rapprochements avec certains événements ou êtres existant ou ayant existé, ne sauraient excéder le sens que l’on accorde aux rêves
(…)." Plaît-il?
Dans le destin tragique de cette famille déchirée, Weitzmann a donc vu l’occasion de revisiter son enfance, de revoir ses origines juives (le fils de Turquin-Cottard serait en fait l’enfant illégitime d’un juif amant de sa femme), ses relations avec un père absent, et même, tant qu’à y être, de revenir sur la crise familiale qui a suivi la parution de son roman précédent, Chaos (une autre autofiction où l’auteur réglait ses comptes avec sa famille, allant même jusqu’à tuer son père, pourtant toujours vivant, le pauvre). Rien de cela ne dérangerait vraiment, si le résultat était intéressant. Or l’histoire est lourdement mise en place, confuse et
mal construite. Les meilleurs moments sont ceux, trop brefs, où l’ego de l’écrivain se tait pour donner toute sa place au personnage de Cottard. Le reste n’intéressera sans doute personne, sauf l’auteur. Éd. Stock, 2000, 332 p.