L’Envol des anges : de Michael Connelly
Après avoir délaissé son inspecteur fétiche Harry Bosch, le temps d’écrire Créance de sang (1999), Connelly lui a réservé, avec L’Envol des anges, un vrai cadeau empoisonné. Une enquête que Bosch ne souhaiterait pas à son pire ennemi.
L’Envol des anges
de Michael Connelly
Tout amateur de polar frémit à l’annonce d’un nouveau Michael Connelly, cet ex-journaliste, chroniqueur judiciaire à Los Angeles, auteur de La Glace noire et de La Blonde en béton qui a connu la consécration avec Le Poète, et qui réussit à boucler, depuis 1992, une enquête par année. Une cadence frénétique, difficile à tenir, et qui explique sans doute que l’auteur commence à montrer des signes d’essoufflement.
Après avoir délaissé son inspecteur fétiche Harry Bosch, le temps d’écrire Créance de sang (1999), Connelly lui a réservé, avec L’Envol des anges, un vrai cadeau empoisonné. Une enquête que Bosch ne souhaiterait pas à son pire ennemi. Car le corps que l’on a retrouvé, criblé de balles, dans un funiculaire du centre-ville de Los Angeles, est nul autre que celui de l’avocat Howard Elias, véritable vedette auprès de la communauté noire, spécialiste des causes impliquant la brutalité policière, le racisme et la corruption au sein de la police de L.A. Si tous les collègues de Bosch détestent cet homme, c’est que tous sont potentiellement suspects, y compris Sheehan, sont ex-coéquipier en qui Bosch a une confiance absolue.
Depuis les affaires Rodney King et O.J. Simpson, L.A. n’a besoin que d’une faible étincelle pour tourner aux émeutes. Harry Bosch, de son véritable prénom Hyeronymus, l’inspecteur aux manières franches, voire brutales, dont les amours s’effritent à mesure que ses enquêtes approchent de leur dénouement, avance donc ici sur un champs de mines.
Tout était en place pour un polar explosif. Pourtant, plus on poursuit la lecture de L’Envol des anges, moins l’on y croit. Comme si Connelly, craignant d’ennuyer son lecteur, en rajoutait jusqu’à en faire trop. D’innombrables personnages se mêlent à l’enquête; Bosch perd un temps interminable sur des kilomètres de fausses pistes; une enquête secondaire
se solde par un véritable carnage qui ne fait pas véritablement progresser l’histoire et semble gratuit. Et la fin, grandiloquente, moralisante et sans nuances, paraît plaquée sur le reste à la dernière minute. Qu’est-ce qui manque à ce dernier Connelly? Le lyrisme du Poète, les subtilités et le caractère désespéré du Dernier Coyote, la fine psychologie de La Blonde en béton. Mais que les fans de l’auteur ne s’alarment pas. Un Connelly, fût-il
décevant, demeure tout de même bien au-dessus de la moyenne. Et c’est avec beaucoup d’espoir qu’ils attendront la traduction de la prochaine enquête de Bosch, A Darkness More Than Night. Traduit de l’américain par Jean Esch. Seuil Policiers, 2000, 353 p.