Pierre Manseau : Les Bruits de la terre
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Pierre Manseau : Les Bruits de la terre

"À ceux de la génération sida qui ne meurent pas": dédicace-choc de Pierre Manseau en ouverture de son plus récent titre, un recueil de récits intitulé Les Bruits de la terre.

"À ceux de la génération sida qui ne meurent pas": dédicace-choc de Pierre Manseau en ouverture de son plus récent titre, un recueil de récits intitulé Les Bruits de la terre.

La dédicace n’est pas anodine, loin de là. On en retrouve l’essence dans la majorité des douze récits du recueil, où s’illustre une constante lutte intérieure entre les forces vives et les forces de la mort. Douze récits d’euphorie et de désespérance entremêlées, où le rire et les larmes, l’amour et la violence se chevauchent, comme si plus rien n’avait le temps d’exister séparément et que tout devait donc désormais exister ensemble.

Que l’auteur de ce recueil soit lui-même séropositif, comme on l’apprend dans une postface de Pierre Salducci, donne bien sûr une réalité plus douloureuse encore aux sentiments qui sont étalés ici. Ce n’est sans doute pas un hasard, non plus, si l’écriture varie énormément d’un texte à l’autre. Parfois pressée, racontant vite, s’unissant au sentiment d’urgence qui étreint les personnages. Parfois traînante, telle la langueur du dépressif, multipliant les détails qui paraissent sans importance.

Les lecteurs qui connaissent les textes précédents de Pierre Manseau retrouveront dans Les Bruits de la terre deux des thèmes de prédilection de l’auteur. D’une part, comme en faisait foi son roman Marcher la nuit ou La Petite Poubelle bleue (Triptyque, 1995), la coexistence quasi obligée de la relation sexuelle et de la violence. Et, d’autre part, ce thème dont on a souvent l’impression qu’il se veut le baume du premier: une relecture attendrie des souvenirs blessants de l’enfance.

Deux des textes parmi les meilleurs de ce nouveau recueil (qui va parfois s’essoufflant) sont assez représentatifs de l’oeuvre. Dans l’un (Au bout du quai, les remous), on voit quelques moments de la vie d’une famille, avec des petites touches suggérant ici et là toutes les blessures et les terreurs qui peuvent se tapir sous les amusements anodins du clan des frères et soeurs. Dans l’autre (Route 59), c’est un couple d’hommes qui est mis en scène, dans une atmosphère érotique explosive, mais qui voue néanmoins l’un des deux hommes à l’humiliation totale.

Dans l’ensemble: une écriture simple, dénudée, qui ne s’embarrasse pas de fioritures et va droit au but pour dire la cohabitation forcée de la vie et de la mort, des tendresses familiales et des brutales amours

Éd. Triptyque, 2000, 172 p.

Les Bruits de la terre
Les Bruits de la terre
Pierre Manseau