La Fonte des glaces : Alain Nadaud
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La Fonte des glaces : Alain Nadaud

Après avoir lu avec délectation La Fonte des glaces, on a honte de ne pas avoir connu Alain Nadaud plus tôt. Pourtant, ce roman est le dix-huitième livre qu’il publie.

Après avoir lu avec délectation La Fonte des glaces, on a honte de ne pas avoir connu Alain Nadaud plus tôt. Pourtant, ce roman est le dix-huitième livre qu’il publie. On finit donc par se réjouir que ce quinquagénaire parisien soit devenu attaché culturel au consulat de France à Québec il y a un peu plus d’un an, nous permettant ainsi de découvrir un véritable écrivain injustement méconnu chez nous. Un bel incident diplomatique!

Diplomatie oblige, on ne s’étonnera donc pas que la vérité et le mensonge soient au coeur de ce roman constitué de fragments qui documentent la vie de Xavier Thureau, journaliste et romancier français, tantôt basé en Russie, tantôt rapatrié en France, depuis la révolution bolchévique de 1917 jusqu’aux purges staliniennes qui précèdent la Seconde Guerre mondiale.

Pour nous intéresser à son cas, Nadaud nous invite à consulter les fruits de l’investigation menée par Philippe, le petit-fils de Thureau. Dans une lettre, sa défunte grand-mère lui demande d’élucider la disparition de son Xavier, cet homme qui fut l’amour de sa vie, espérant une opération de réhabilitation possible dans ce climat de perestroïka et de glasnost qui s’instaure sous Gorbatchev.

Docile, Philippe tentera alors de faire la lumière sur la disparition de son grand-père: achetant au KGB les transcriptions, vraisemblablement falsifiées, des interrogatoires subis par son aïeul en 1936; retrouvant des nouvelles ou des articles apparemment signés de sa main, de la correspondance avec sa chanteuse de cabaret de maîtresse, ou avec un de ses amis écrivains resté en France; colligeant les témoignages de personnes prétendant l’avoir côtoyé avant et après le goulag.

Ce rapport semble tellement réaliste accompagné de ses références historiques. Il relate les visites des intellectuels français en URSS, comme celles de Gide et Malraux. Pour authentifier la validité de ses sources, l’auteur nous bombarde de notes en bas de page, afin de nous convaincre de la véracité de cette histoire. Si bien qu’on y croit.

Mais je soupçonne Alain Nadaud d’être un sceptique; alors que la plupart des romanciers veulent nous berner, lui, il désire qu’on mette en doute les renseignements qu’il nous livre. Son roman est un dossier de recherche parsemé d’informations contradictoires. Loin de nous imposer sa version des faits, Nadaud nous abandonne pour qu’on élabore la nôtre, que nous tentions de faire la part des choses, de distinguer le mensonge de la vérité, la fiction de la réalité. Si bien que dans La Fonte des glaces, le vrai romancier, ultimement, c’est le lecteur!

Si vous lisez pour vous reposer, vous détendre, vous évader, évitez ce roman, vous risquez d’en sortir exténué, perturbé. Mais si vous avez envie de vous faire suer les méninges, de vous poser des questions sans que l’auteur ne vous garantisse de réponses, vous serez comblé. Pour l’espion qui sommeille en vous. Intelligent et audacieux, ce livre redonne son sens créateur à l’acte de lire. Ce n’est pas rien. Éd. Grasset, 2000, 340 p.

La Fonte des glaces
La Fonte des glaces
Alain Nadaud