La Gueule du lion : Histoires de famille
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La Gueule du lion : Histoires de famille

Depuis deux ans, les éditions Balzac, petite maison établie à Montréal, se sont donné pour mandat de faire connaître la littérature canadienne ou étrangère ici et ailleurs. Bénéficiant d’une visibilité plutôt réduite, elle n’en fait pas moins découvrir des auteurs intéressants. C’est le cas avec ce roman traduit de l’anglais (par Jocelyne Doray), écrit par une Anglaise immigrée en Alberta quand elle avait huit ans. Caterina Edwards vit là-bas depuis, y enseigne la littérature (à l’Université d’Alberta) et a publié plusieurs recueils de nouvelles et romans, ainsi qu’une pièce de théâtre.

Depuis deux ans, les éditions Balzac, petite maison établie à Montréal, se sont donné pour mandat de faire connaître la littérature canadienne ou étrangère ici et ailleurs. Bénéficiant d’une visibilité plutôt réduite, elle n’en fait pas moins découvrir des auteurs intéressants. C’est le cas avec ce roman traduit de l’anglais (par Jocelyne Doray), écrit par une Anglaise immigrée en Alberta quand elle avait huit ans. Caterina Edwards vit là-bas depuis, y enseigne la littérature (à l’Université d’Alberta) et a publié plusieurs recueils de nouvelles et romans, ainsi qu’une pièce de théâtre.

Elle raconte dans La Gueule du lion l’histoire de son cousin Marco, qui vit à Venise, et qui lui permet de se remémorer ses propres racines italiennes. La vie du jeune Vénitien est évoquée à travers la voix de Bianca, qui s’adresse à lui, comme en une sorte de dialogue.

Elle raconte sa vie, avec sa femme, Paola; son petit garçon, surtout, Francesco, qui est malade du coeur, et qui nécessite des soins délicats. "Paola refuse de te rendre visite ou même de laisser Francesco te voir. Ta mère continue de la supplier, lui rappelant son devoir d’épouse, tes besoins. Rien n’y fait. Paola insiste: Francesco doit demeurer à l’écart de toute cette histoire, il ne doit pas être tourmenté par la vision de ta chute."

En fait, Marco a "perdu pied", s’enfonçant dans la dépression; et ce sont ses amours, ses regrets, ses désillusions, son égarement que raconte Bianca à des kilomètres de chez lui.

Marco est architecte, et refuse de réaliser un projet pour sa compagnie, qui consiste à construire un développement dans une Venise déjà passablement usée par la pierre, l’eau et les promoteurs immobiliers sans morale. Il abandonne le bateau, retrouve un ancien amour, Elena, qui milite pour le parti communiste et a besoin de lui pour héberger un ami.

Histoire un peu compliquée, qui finit par constituer une sorte de chronique assez vivante. Puis, à des milliers de kilomètres, Bianca réfléchit à sa nouvelle vie, installée dans une ville morne, qu’elle compare inévitablement à Venise. (On a le sens du masochisme ou on ne l’a pas!) "Nous avons fini par nous fixer. Maman et papa achetèrent une maison, encore une fois dans un coin de Calgary que nous ne connaissions pas. Ils rencontrèrent des gens et se firent quelques amis, la plupart originaires de Vénétie. Toutefois, aucun d’eux n’était réellement de Venise. "Un Vénitien véritable n’émigre pas. Il voyage mais ne s’installe jamais ailleurs, disait maman, sauf s’il est aussi fou que nous.""

C’est cette déchirure qui est au coeur du roman, qui se concrétise par une juxtaposition constante des récits de Marco et de Bianca. "J’entends la foule vénitienne qui défile joyeusement le long des grandes artères, j’entends le silence opaque des ruelles sombres. Je vois les canaux, les boutiques, les places et toi au milieu."

Mais si ce double récit est porteur de sens, les mécanismes romanesques ne sont malheureusement pas au point. Les thèmes sont intéressants (le jeu de miroirs, l’enfance magnifiée par le souvenir, le regard original de Bianca sur son nouveau pays, sur sa jeunesse, etc.), mais le point de vue narratif, confus. Tantôt écrit à la troisième personne, tantôt à la première, l’ouvrage développe également une réflexion sur l’écriture, ce qui ajoute à la confusion.

Une voix intéressante, donc, mais dans une construction boiteuse, et dans laquelle de nombreuses coquilles distraient la lecture. Bien sûr, il faut considérer le peu de moyens dont bénéficient les petites maisons d’édition, et de celle-ci en particulier qui présente déjà le mérite d’être curieuse, et d’ouvrir des fenêtres sur le monde. Éd. Balzac, 2000, 234 p.

La Gueule du lion
La Gueule du lion
Caterina Edwards