Le fond de l'âme effraie : Guy Langlois
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Le fond de l’âme effraie : Guy Langlois

Le fond de l’âme effraie est un polar tout simple, assez traditionnel, mais qui livre la marchandise, comme on dit.L’action commence avec un meurtre, commis par une jolie jeune femme, bien cruelle.

Le prix du Quai des Orfèvres est remis chaque année depuis 1946, et couronne le manuscrit d’un roman policier inédit, écrit en langue française. Le jury est composé de policiers, de commissaires, d’avocats, de journalistes judiciaires, d’écrivains de polars; bref, on peut présumer que l’histoire est crédible, si tant est que cela soit nécessaire pour qu’un livre soit bon.

Le fond de l’âme effraie est un polar tout simple, assez traditionnel, mais qui livre la marchandise, comme on dit. L’action commence avec un meurtre, commis par une jolie jeune femme, bien cruelle, comme il se doit dans la mythologie moderne; et le récit consiste à raconter cette enquête que vient compliquer la vie de famille de l’inspecteur Bidart, un homme ordinaire et bon enfant. Sa piste? Un projet immobilier, dans la banlieue rouennaise, qui tourne mal, et autour duquel les hommes tombent comme des quilles. L’objet du litige: un terrain sur lequel survivent les vestiges d’une famille jadis heureuse, établie au bord d’une rivière bucolique. Qui avait intérêt à ce que meure le propriétaire des lieux? Qui sont les membres de sa famille? Qui étaient ces hommes qui tournaient autour du domaine, et surtout, qui est cette femme (ou est-ce une diversion) qui signe tous ses meurtres avec un petit bout de tulle blanc accroché au rétroviseur de la voiture ou laissé par inadvertance à côté du cadavre?

Le tout se déroule dans la ville de Rouen, et l’auteur détaille avec précision et efficacité le décor de son roman, insistant sur l’ambiance qui règne dans ses rues, son architecture, ses petits commerces. "Situé rue Martainville, à l’angle de la place Saint-Marc, le salon d’Armand Cauchois ne payait franchement pas de mine au premier regard. En comparaison de ces salons franchisés meublés design, éclairés comme des vitrines de Noël et grouillant d’appétissantes shampouineuses de blanc vêtues, l’endroit avait quelques années de retard. (…) Meilleur Ouvrier de France, lauréat de mille et un concours (…) il jouait du ciseau comme d’autres du stradivarius ou du maillet, capable en moins de deux de sculpter dans la chevelure d’un Souchon celle d’un Clark Gable."

Le plaisir de ce polar tient d’ailleurs beaucoup à ce climat très petit-bourgeois, le cynisme en plus, celui d’un auteur qui aime piquer les sacro-saintes institutions françaises que sont la police… et la bouffe. "Courtois envers leurs collègues, mais un tantinet agacés par leur inefficacité sur ce coup, Bidart et ses hommes prirent congé et se consolèrent dans un bar du quartier avec un jambon-beurre comme la SNCF elle-même n’ose plus en servir depuis les années soixante."

Avec le jeune Morel amoureux de sa fille, Bidart forme un duo pas très original, mais fort sympathique. Un bon roman, bien écrit, avec juste ce qu’il faut de difficultés pour garder la lectrice en haleine. Éd. Fayard, 2001, 397 p.

Le fond de l'âme effraie
Le fond de l’âme effraie
Guy Langlois