Passer à l’avenir : Histoire, Mémoire, Identité dans le Québec d’aujourd’hui

"Je me souviens"! La devise du Québec l’affirme explicitement: ce pays est fondé sur la mémoire.

Mais ne serait-il pas temps de commencer à oublier, de faire le deuil de nos gloires et de nos défaites passées, afin de finalement se tourner vers autre chose? Telle est la question que pose l’historien Jocelyn Létourneau dans Passer à l’avenir.

L’ouvrage rassemble six solides articles dans lesquels Létourneau se penche sur les conceptions de l’histoire véhiculées dans un ensemble de travaux contemporains. Et ses réflexions sont traversées par un même constat: "Le passé ne doit en aucun cas être facteur d’écrasement ou d’éteignoir d’avenir pour les descendants."

Létourneau est loin d’affirmer qu’il faudrait faire fi du passé. On doit cependant éviter que "la mémoire devien[ne] nostalgie, ressentiment, ou, pis encore, [qu’]elle engendre l’empêchement". Il faut admettre que le passé ne reviendra plus jamais, et qu’il ne peut pas être autre qu’il a été: qu’on n’aura jamais la chance de gagner la bataille des Plaines d’Abraham; qu’il est parfaitement stérile de vivre dans le but de venger les victimes de la Rébellion de 1837-1838.

"S’il est vrai que la mémoire […] guérit les plaies et apaise les blessures, peut-être faudrait-il apprendre aussi à "oublier", c’est-à-dire apprendre à penser l’histoire en vue de la deuiller et de la penser éventuellement", écrit Létourneau. Il ne faut certes pas ignorer ses mauvais souvenirs mais, à un moment donné, il faut cesser de les ressasser!

Signalons que si les réflexions de Létourneau concernent spécifiquement le rapport que le Québec entretient avec son histoire, elles rejoignent les questions posées par Paul Ricoeur dans La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli (paru dans la collection L’ordre philosophique aux Éditions du Seuil), où le célèbre philosophe français s’interroge sur la valeur d’une "histoire [qui] ne sait que conserver, non pas engendrer".

Passer à l’avenir est un ouvrage qui explore les moyens de revitaliser notre rapport à l’histoire. Jocelyn Létourneau est évidemment prêt à reconnaître que l’édifice de l’avenir ne peut bénéficier de meilleures fondations que celles que lui offre l’histoire. Sauf que ce n’est pas une raison pour s’obstiner à vivre dans la cave! Éd. du Boréal, 2000, 194 p.