Fiona Range : Mary McGarry Morris
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Fiona Range : Mary McGarry Morris

Elle n’est pourtant pas un monstre, l’héroïne du dernier roman de Mary McGarry Morris. Elle a de grandes qualités, dont le courage, la compassion et la franchise ne sont pas les moindres. Mais on dirait que le malheur la poursuit depuis son enfance.

Un petit matin cafardeux, Fiona Range se réveille avec un mal de tête d’enfer, l’envie de vomir, une mauvaise conscience écrasante et un homme dans son lit: le mari de sa meilleure amie. Amers, les souvenirs de la veille lui reviennent peu à peu. Cette fête donnée pour célébrer un grand événement, sa meilleure amie qui vient d’accoucher, l’alcool qu’elle buvait comme de l’eau, le bain de minuit dans la piscine de ses amis, et

cet homme qui lui a offert de la reconduire chez elle, "Seigneur, qu’est-ce qu’elle avait donc fait? (…) Qu’est-ce qu’elle avait donc dans la tête?" Elle n’est pourtant pas un monstre, l’héroïne du dernier roman de Mary McGarry Morris. Elle a de grandes qualités, dont le courage, la compassion et la franchise ne sont pas les moindres. Mais on dirait que le malheur la poursuit depuis son enfance. Elle a 30 ans, elle est vive, intelligente, et très jolie; mais sa vie ressemble à une longue suite d’échecs, de bêtises, de projets qui prennent le large et de mauvaises fréquentations.

Qu’à cela ne tienne, Fiona reprend ses esprits et part au boulot. Elle ira comme chaque matin servir aux tables du petit restaurant déprimant qui l’emploie; elle se tiendra droite, sera efficace comme toujours, affrontera les regards réprobateurs des uns et les clins d’oeil salaces des autres. Après tout, cette enfant abandonnée par sa mère, prise en charge par son oncle, un juge que tous les habitants de sa petite ville du Massachusetts admirent et respectent, en a vu bien d’autres. Et puis, elle n’a rien à perdre, rien à quoi se raccrocher. Sauf, peut-être, cet homme qu’elle croit être son père, ce vieil hurluberlu fumeur de joints, violent, hargneux, qui la repousse brutalement, mais avec qui elle s’est juré de renouer.

Fiona Range est une héroïne. Comme l’était la Martha d’A Dangerous Woman,

que Debra Winger incarnait dans le film de Stephen Gyllenhall tiré d’un autre roman de Mary McGarry Morris. Une héroïne comme la littérature américaine nous en a donné beaucoup. Et même si la traduction manque de fluidité et nous agace, même si l’histoire s’étire parfois en longueur, il y a, dans cette oeuvre, ce qui manque trop souvent aux romans québécois: de vrais personnages de chair, si bien campés, si complexes et si

humains qu’on a véritablement l’impression de les voir, de les sentir, de les toucher, de les connaître. Une qualité précieuse, qui fait qu’un livre ne se laisse pas oublier.

Traduit de l’américain par Michèle Valencia, Éd. Belfond, 2000, 473 p.