Amériques : Jean Morisset et Éric Waddel
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Amériques : Jean Morisset et Éric Waddel

Amériques: le mot devrait toujours être écrit au pluriel, comme le font Jean Morisset et Éric Waddell en titre de leur ouvrage. Parce qu’il faut compter plusieurs Amériques: du Nord, Centrale et du Sud, certes.

Deux parcours au départ de la Grande Rivière de Canada

de Jean Morisset et Éric Waddel
Amériques: le mot devrait toujours être écrit au pluriel, comme le font Jean Morisset et Éric Waddell en titre de leur ouvrage. Parce qu’il faut compter plusieurs Amériques: du Nord, Centrale et du Sud, certes. Mais aussi celles dont les cartes géographiques n’affichent en rien les véritables couleurs: l’Amérique blanche, l’Amérique noire, et la première: l’Amérique rouge. Ce continent est trop vaste, trop divers; il présente trop de visages pour s’accommoder du singulier.

Jean Morisset et Éric Waddell sont géographes. L’ouvrage qu’ils publient conjointement rassemble onze articles du premier, six du second, et deux textes écrits à quatre mains. Mais la parenté des dires des deux auteurs est telle qu’il est difficile de faire la part de ce qui revient à l’un ou à l’autre, sans recourir à la table des matières, qui spécifie la paternité des chapitres.

Amériques propose de jeter un nouveau regard sur les multiples facettes de l’identité américaine: une appellation qu’il faudrait enfin commencer à entendre comme une désignation débordant largement de ce qui relève strictement du domaine états-unien. Et on s’y attarde plus spécifiquement à ce qui caractérise la franco-américanité, laquelle est loin d’être aussi exclusivement liée qu’on le croit au seul territoire québécois.

Morisset, par exemple, pose une question pour le moins pertinente après nous avoir appris que la capitale de l’Idaho "n’est pas loin de Coeur-d’Alêne, qu’elle s’appelle Boisé et que ce sont des Canadiens qui l’ont nommée ainsi […]. J’imagine alors que de ne pas savoir que la capitale de l’Idaho porte un nom québécois, c’est ne pas connaître le Québec. Et alors, qu’est-ce qu’on fait d’une telle information qui fait que l’Idaho – sans oublier le pays de l’Ohio et tous les autres – est partie constituante du Québec tout autant que Chicoutimi ou le lac Saint-Jean?"

Waddell, pour sa part, s’interroge entre autres sur la coïncidence qui a voulu que l’écrivain dont la voix aura su faire le plus éloquemment écho aux réalités de l’Amérique contemporaine ait été un Franco-Américain: Jack Kerouac. Et Morisset de se pencher sur le rapport entre la langue française et la plus authentiquement américaine des musiques: "Si le jazz est né à La Nouvelle-Orléans, c’est qu’il a été en gestation en Amérique franco, et non pas en Virginie ou dans les Carolines. […] Il faut bien se rendre à l’évidence et affirmer avec fermeté que le mot "jazz" vient du créole "jaser". Il n’y a qu’à prononcer le mot à la franco pour s’en rendre compte: jase-jaze-jazz-jazzer. Les Européens parlent. Nous, les Américains, nous jasons, nous djazons."

Avec Amériques, Jean Morisset et Éric Waddell proposent paradoxalement un ouvrage on ne peut plus dépaysant. Parce qu’on s’y rend compte du peu de chose que l’on sait sur ce qui constitue pourtant notre environnement le plus immédiat. Ce livre est une fascinante entreprise d’exploration, qui ouvre littéralement de nouveaux horizons.

Éd. L’Hexagone, coll. Itinéraires, 2000, 342 p.

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