Double vie : Pierre Assouline
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Double vie : Pierre Assouline

Biographe de Simenon et d’Hergé, Pierre Assouline s’est toujours s’intéressé au mystère de la vie d’autrui. Une fascination qui transparaît également à travers sa récente oeuvre fictive, deux romans (il y a d’abord eu La Cliente, en 1998) s’apparentant plus ou moins à une enquête sur la personne. Double Vie, nouveau cru du journaliste-biographe-rédacteur en chef de la revue Lire, s’érige sur deux questions, en apparence paradoxales: que sait-on vraiment des autres?

Biographe de Simenon et d’Hergé, Pierre Assouline s’est toujours s’intéressé au mystère de la vie d’autrui. Une fascination qui transparaît également à travers sa récente oeuvre fictive, deux romans (il y a d’abord eu La Cliente, en 1998) s’apparentant plus ou moins à une enquête sur la personne. Double Vie, nouveau cru du journaliste-biographe-rédacteur en chef de la revue Lire, s’érige sur deux questions, en apparence paradoxales: que sait-on vraiment des autres? Et, surtout, cette inquiétude: "Que sait-on de ce que les autres savent de nous?"

Époux légal de Marie, amant passionné de Victoria, Rémi Laredo mène, avec une précaution pimentée d’audace érotique, la double vie que suppose l’adultère. Après un épisode tragi-comique, où les ébats illicites du couple dans un parking souterrain sont interrompus par l’explosion inopinée des air bags de la voiture (!), la belle disparaît sans laisser de traces autres que des marques de crocs sur le membre éclopé de son pauvre amant…

Nageant en plein mystère, Rémi s’accroche aux maigres indices qu’a laissés une femme qu’il croyait connaître si intimement. Et, en refaisant l’itinéraire de leurs amours, notre héros de plus en plus parano se rend compte que cette liaison qu’il croyait clandestine n’échappait pas à l’oeil scrutateur d’une technologie voyeuse et omniprésente. "Le siècle qui s’annonçait avait déjà fait une victime. La vie privée."

À mesure que le roman avance, Double Vie dévoile donc une charge pas très subtile – et un peu décevante – contre la "société de surveillance" qui menace notre privauté, cette grotte souterraine que risque d’engloutir le monde moderne. L’anachronique protagoniste, un professeur de paléontologie qui ne s’épanouit que dans les entrailles secrètes des caves, s’insurge aussi contre le mensonge qui préside souvent au "jeu de société". Creusant le hiatus entre la parade sociale et la nature secrète des gens, l’auteur décoche des traits féroces le conformisme bourgeois, les codes hypocrites de la vie sociale.

Heureusement, Double Vie est souvent porté par une ironie réjouissante, une attention aux détails dans l’étude minutieusement satirique des manifestations de l’intimité, qui rendent le regard rarement banal et la lecture souvent savoureuse.

Entre une entrée en matière complaisamment érotique et le coup de théâtre final, plutôt digne d’un roman policier, le livre brouille les pistes et ne se laisse lui-même pas enfermer dans les codes trop stricts d’un genre unique: histoire d’amour, réflexion sur l’adultère, roman à énigme, comédie sociale… Ce qui en fait un roman assez déroutant, intrigant, à défaut d’être entièrement convaincant.

Éd. Gallimard, 2001, 211 p.

Double Vie
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Pierre Assouline