Pourquoi je suis Chienne de garde / Dictionnaire critique du féminisme : Dames de fer
Isabelle Alonso, auteure de deux autres essais féministes (dont Tous les hommes sont égaux, même les femmes), trace dans Pourquoi je suis devenue Chienne de garde, le portrait du sexisme à la française, et dénonce l’androcentrisme (un mot qui ne se trouve pas dans le dictionnaire, pas moins androcentrique) qui prédomine dans la culture.
Quand les Français parlent des Québécoises, c’est toujours avec un petite panique dans la voix : "Elles sont belles, mais quel mauvais caractère, on ne peut rien leur dire, elles prennent tout de travers", m’a déjà dit un écrivain de passage ici… Maintenant, les Chiennes de garde ont ouvert une succursale de l’écoeurantite aiguë: "Tenir des propos insultants sur les femmes est d’une telle banalité qu’on surprend son monde en attirant l’attention sur cette pratique."
Isabelle Alonso, auteure de deux autres essais féministes (dont Tous les hommes sont égaux, même les femmes), trace dans Pourquoi je suis devenue Chienne de garde, le portrait du sexisme à la française, et dénonce l’androcentrisme (un mot qui ne se trouve pas dans le dictionnaire, pas moins androcentrique) qui prédomine dans la culture.
Au début de son ouvrage, Alonso cite quelques perles, qui sont le bruit ambiant quotidien, et s’insurge contre la dictature du second degré que doivent observer les filles si elles veulent paraître en contrôle d’elles-mêmes, c’est-à-dire cool et dans le coup. Alonso attaque également des gens bien précis, au nombre desquels Roger Hanin, eh oui, le commissaire Navarro (qui aime bien que sa fille lui serve son whisky), ex-communiste, qui considérait normal de fréquenter les bordels (selon lui, des "maisons d’agréments") en Algérie.
Lorsqu’elle parle du film de Virginie Despentes, Baise-moi, Alonso dit les seules choses sensées que j’aurai lues ou entendues sur le sujet. "On nous propose et impose à longueur d’année des films ultraviolents et ultra-violants. Mais qu’une femme s’aventure sur un terrain qui n’est pas le sien, qu’elle donne à voir des hommes soumis à la violence sexuelle, et ça devient insoutenable. (…) Baise-moi n’est pas un film féministe. Là n’est pas la question. (…) Ce film a autant le droit d’exister et d’être projeté que Le Silence des agneaux (tueur de femmes), Seven (images extrêmes) ou Reservoir Dogs (ultraviolence)."
Et d’ailleurs, Alonso dénonce le monde de la porno. Sa misogynie, sa violence. Elle attaque aussi le sexisme dans la politique, l’économie, le pouvoir. Ainsi, l’auteure cite la grande finesse d’esprit du ministre de l’Éducation, Claude Allègre: "Il y a trop de femmes dans l’éducation, l’autorité se perd, il faudrait mettre plus d’hommes." Ou celle-ci: "Pourquoi Nicole Notat prend-elles ses vacances dans le Sud de l’Espagne? Parce que là-bas, les taureaux ont les plus grosses couilles", autre belle phrase prononcée par Marc Blondel, leader syndicaliste, en septembre 1997, dans Le Nouvel Économiste; le même homme qui avait insulté Laure Adler, tout juste arrivée à la direction des programmes de France-Culture: "Vous avez écrit un ouvrage sur les maisons closes. À vous lire, ces entreprises étaient bien gérées. Inspirez-vous-en! Et prenez garde, madame la directrice, de ne pas coincer vos talons aiguilles dans votre grille des programmes."
C’est d’ailleurs à la suite de cette affaire que Florence Montreynaud, excédée, a décidé en 1999 de fonder Les Chiennes de garde. Depuis, Alonso a pris la relève de la présidence, et trouve des appuis chez les femmes et chez les hommes.
Un livre rafraîchissant, tonique, au ton très personnel, vivant, senti, qui prouve que le féminisme est un mouvement irréversible. Tant pis pour les retardataires.
Dictionnaire critique du féminisme
Côté théorie, voici un ouvrage utile pour qui veut raffiner ses idées sur le sujet. Ce Dictionnaire critique du féminisme présente l’avantage de synthétiser les connaissances sur des thèmes reliés au féminisme: différence des sexes, domination, maternité, homophobie, genre, exclusion, public/privé, harcèlement sexuel, prostitution, et bien d’autres. L’intérêt du livre est de présenter des sujets émanant des différents courants du féminisme, et de renvoyer aux principaux textes fondateurs, et aux différentes définitions d’un même terme. Un must pour la féministe académique, et tous ceux qui veulent comprendre les enjeux théoriques de cette philosophie. À noter, la participation de plusieurs auteurs connus, dont Michelle Perrot, Daniel Welzer-Lang et Diane Lamoureux.
Pourquoi je suis Chienne de garde
d’Isabelle Alonso, Éd. Robert Laffont, 2001, 164 p.
Dictionnaire critique du féminisme
coord. H. Hirata, F. Laborie
H. Le Doaré et D. Senotier
Éd. Presses Universitaires de France, 2000, 299 p.