La Haine de la famille : Catherine Cusset
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La Haine de la famille : Catherine Cusset

Il n’y a guère d’individu plus insupportable dans une maisonnée que celui qui s’arroge les commandes de l’ordre et de la propreté. Le folklore veut que le rôle soit le plus souvent tenu par la mère de famille. Dans ce nouveau roman de la Française Catherine Cusset, c’est plutôt le père qui en hérite, bonhomme pas commode dont on trouve dans les premières pages le truculent portrait.

Il n’y a guère d’individu plus insupportable dans une maisonnée que celui qui s’arroge les commandes de l’ordre et de la propreté. Le folklore veut que le rôle soit le plus souvent tenu par la mère de famille. Dans ce nouveau roman de la Française Catherine Cusset, c’est plutôt le père qui en hérite, bonhomme pas commode dont on trouve dans les premières pages le truculent portrait. Un des quatre enfants n’a pas suspendu son manteau à la place habituelle? Le père crie. Une des serviettes a disparu? Il crie encore. Où est le torchon, bordel de merde? Il crie tout le temps… C’est Marie, la seconde fille – la même diablesse qui tuait son premier amant dans En toute innocence (Gallimard, 1995) – qui dresse le tableau de la famille.

Cela commence 40 ans plus tôt, avec la rencontre d’un homme et d’une femme que tout opposait, mis à part leur désir de fonder un couple pour la vie. Lui, frais émoulu de l’École Nationale d’Administration, maniacodépressif, solitaire, n’aimant rien de mieux que la nature. Elle, avocate, et bientôt juge d’instruction, intellectuelle, résolument bourgeoise. La Marie semble bien s’amuser, et le lecteur encore plus, des travers de l’un et de l’autre, des disputes, des jalousies, des hurlements, sur lesquels s’est construite cette famille qui, au bout du compte, paraît extraordinairement fonctionnelle. Ils sont beaux, ils sont exceptionnellement brillants, trois des quatre enfants ont fait Normal Sup, ils ont du fric, youpi.

Sauf que de l’amas de scènes qui, de désopilantes qu’elles étaient au début deviennent de plus en plus graves, de plus en plus vraies, émerge bientôt le portrait de la mère. Si le père leur casse à tous les oreilles, c’est la mère qui casse les coeurs. Pesante. Écrasante. Et derrière elle, voilà une autre mère. Pareille. Deux générations de femmes qui ont mis tous leurs espoirs dans leurs enfants, n’admettant pas de leur part la moindre fredaine. Deux générations de mères, avocates, brillantes, ambitieuses. Deux femmes à l’élégance racée, parfaitement terrorisées par le spectre de la mollesse intellectuelle et de la décrépitude physique.

Derrière le sarcasme dévastateur de Marie, Catherine Cusset raconte en fin de compte dans La Haine de la famille, avec un admirable talent d’écrivain, l’amour sans bon sens qui semble si souvent régir le monde des filles et des mères. Drôlement dur.

Éd. Gallimard, 2001, 224 p.

La Haine de la famille
La Haine de la famille
Catherine Cusset