La Portée du printemps : Histoires inventées
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La Portée du printemps : Histoires inventées

Tout est faux dans ce premier roman d’Hélène Bard. Le journal de Solange Racine-Clavet ("née le 3 novembre 1953 dans un petit village à l’est de Québec (…) qui, à trente-huit ans (…) se retrouve complètement seule et contrainte à l’écriture"), qu’on a sous les yeux; la notice nécrologique qui apparaît dès le début du livre; les articles sur ce roman, Voyage d’hiver, écrit par André Clavet. Une seule chose est vraie: c’est bien Hélène Bard, 26 ans, jeune étudiante au doctorat en création littéraire à l’Université Laval, qui vient de publier ce drôle de livre, La Portée du printemps.

Tout est faux dans ce premier roman d’Hélène Bard. Le journal de Solange Racine-Clavet ("née le 3 novembre 1953 dans un petit village à l’est de Québec (…) qui, à trente-huit ans (…) se retrouve complètement seule et contrainte à l’écriture"), qu’on a sous les yeux; la notice nécrologique qui apparaît dès le début du livre; les articles sur ce roman, Voyage d’hiver, écrit par André Clavet. Une seule chose est vraie: c’est bien Hélène Bard, 26 ans, jeune étudiante au doctorat en création littéraire à l’Université Laval, qui vient de publier ce drôle de livre, La Portée du printemps.

Solange, un jour de mai, ouvre la porte à des policiers, qui viennent lui annoncer la mort de son mari dans un accident de voiture. Elle décide de prendre la plume pour raconter sa vie. "Mon mari revenait de travailler à la même heure depuis des années. (…) Après le souper, il écoutait le bulletin de nouvelles; ensuite, il s’enfermait quelques heures devant son ordinateur, dans le bureau de son père." Ce dernier n’aimait pas Solange et voulait faire de son fils un écrivain, "mais André aimait mieux compter". Il souhaitait une bru élégante et distinguée, mais André "a préféré une épouse toute simple". Femme de comptable donc, mais qui a toute une surprise le jour où elle découvre qu’il a publié un roman, Voyage d’hiver. Comment ne s’en est-elle pas aperçue? C’est l’une des failles qu’explore le récit, et qui cache une autre énigme.

Bref, voilà des débuts insolites et audacieux. À un premier niveau, La Portée du printemps trace le portrait d’un couple bien ordinaire, dont la séparation dévoile les fragilités. "Je deviens terne, comme un personnage secondaire sans fonction. Complètement inutile dans la création de cette histoire. Des regards étrangers posés sur des mots alignés par toi et que je n’ai même pas lus. Cette histoire me met face à mon ignorance alors qu’elle fait voyager des milliers de gens. Je voudrais que tu sois là pour m’expliquer." La Portée du printemps développe également une réflexion sur le couple, sur l’amour, qui continue d’exister, mais qui change, dans le coeur de Solange.

Enfin, le roman déploie aussi, en troisième lieu, un discours sur la littérature, sa force et son mystère. Le livre de Bard est ponctué de critiques et d’entrevues, publiées ici et là, au cours de l’année 1991, pendant laquelle Clavet aurait publié ce fameux roman, qui raconte le voyage d’un couple de personnages âgées en Floride. On y évoque la métaphore de la fuite, la recherche de liberté, etc. Tout ce que peut dire un livre, entre les lignes, selon ce qu’y voit chaque lecteur.

Le jardin secret de son mari incite Solange à connaître le sien, à le cultiver. En fouillant dans le bureau inaccessible auparavant, elle tombe, comme il se devait, sur des écrits personnels d’André. "Par pure ironie, j’ai interdit à Solange de venir m’y déranger et d’y faire le ménage. Ma petite femme bien naïve n’a pas songé une minute que je me moquais de Charles. Elle a répondu avec amour et compréhension: "C’est promis, je n’y mettrai jamais les pieds, par respect pour notre vie commune."/ Et elle m’a embrassé. Je me demande combien de temps elle tiendra."

L’atmosphère inquiétante fait régner dans le roman une certaine froideur, qui sied à sa forme: peu de sensations, peu d’épanchements, mais plusieurs pistes à explorer, presque un puzzle à assembler.

Si cela paraît compliqué, le roman est pourtant facile à suivre, sans toutefois être simpliste. Il respecte les balises annoncées, et constitue un exercice de style réussi. Si la plume d’Hélène Bard est originale, inventive, il reste à l’auteure à trouver une voix, et à donner chair à ses personnages encore de papier.

La Portée du printemps
Éd. Les Intouchables, 2001, 119 p.

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Hélène Bard