Le Combat du siècle : Norman Mailer
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Le Combat du siècle : Norman Mailer

En 1975, à Kinshasa, à l’époque où Mobutu régnait en maître sur le Zaïre, Muhammad Ali et George Foreman se sont affrontés dans un combat pour le championnat mondial de boxe des poids lourds. Pour une rare fois, l’expression "combat du siècle" a été autre chose qu’un cliché. Norman Mailer, lui-même un poids lourd de la littérature états-unienne, était sur place.

En 1975, à Kinshasa, à l’époque où Mobutu régnait en maître sur le Zaïre, Muhammad Ali et George Foreman se sont affrontés dans un combat pour le championnat mondial de boxe des poids lourds. Pour une rare fois, l’expression "combat du siècle" a été autre chose qu’un cliché. Norman Mailer, lui-même un poids lourd de la littérature états-unienne, était sur place. Il en a rapporté un ouvrage qui est une grande leçon de journalisme.

Le Combat du siècle est un livre centré sur une description pour le moins… punchée des coups que se sont échangés ces deux titans de la boxe: un match dont Ali devait sortir vainqueur, malgré le fait qu’il était sensiblement plus âgé et physiquement moins puissant que son opposant.

Mais le bouquin est également bourré d’anecdotes succulentes sur le mode de vie des grands reporters, sur l’entraînement des sportifs de calibre international et sur la stupidité de la dictature de Mobutu qui, pour effacer toutes les traces du passé colonial, cherchait à imposer le nom de Zaïre à la place de Congo. Mailer raconte qu’en parlant d’un joueur de conga, un "journaliste avait déformé le mot en "Congo", que le censeur zaïrois s’était empressé de barrer pour le remplacer par "Zaïre"" Si bien que, dans l’article censuré, le musicien jouait désormais du… zaïre!

Le Combat du siècle fait bien plus que décrire un combat de boxe. Mailer nous fait comprendre que la rencontre Ali-Foreman était avant tout un affrontement entre deux conceptions de l’identité noire états-unienne. Foreman était l’incarnation du "bon nègre": un jeunot frais sorti du ghetto, qui prenait ses distances par rapport aux revendications radicales des tenants du Black Power. Ali était le "mauvais nègre": baveux, gueulard, un Black Muslim qui avait refusé d’aller se battre au Viêtnam (entre autres, parce que, avait-il dit, "aucun Vietcong ne m’a jamais traité de "negro"…"), qui clamait son rejet des valeurs dominantes de son pays, et qui s’affirmait heureux de se battre en Afrique, devant un public pour une fois essentiellement constitué de ceux qu’Ali appelait ses frères.

Avec ce Combat du siècle (relativement bien traduit de l’anglais par Bernard Cohen), Norman Mailer fait la preuve qu’il est possible de parler intelligemment et élégamment de sport.

Éd. Denoël & D’ailleurs, 2000, 327 p.

Le Combat du siècle
Le Combat du siècle
Norman Mailer