Sacré : Passé décomposé
Son Ténèbres, prenez-moi la main était diablement efficace: voilà que Denis Lehane, fin trentaine, originaire de Boston (où il situe souvent ses intrigues), poursuit le filon du bon duo sympathique, celui de Patrick Kenzie et Angela Gennaro, qui pourchassent les méchants tout en soignant (comme dans le précédent roman) leurs propres blessures.
Son Ténèbres, prenez-moi la main était diablement efficace: voilà que Denis Lehane, fin trentaine, originaire de Boston (où il situe souvent ses intrigues), poursuit le filon du bon duo sympathique, celui de Patrick Kenzie et Angela Gennaro, qui pourchassent les méchants tout en soignant (comme dans le précédent roman) leurs propres blessures.
Dans cet épisode, un riche monsieur, Trevor Stone, commence par kidnapper le duo de choc. Seul moyen de les avoir tout à lui. Et de s’assurer, aussi, qu’ils obéiront à ses ordres, soit retrouver sa fille, Desiree, une belle jeune femme qui a disparu, quelques mois après que ses parents eurent été victimes d’un "accident" de voiture, au cours duquel Stone a été blessé. "Alors que les médecins retiraient la balle de ma mâchoire, ils ont découvert les premiers signes d’un cancer. Et quand ils ont approfondi l’examen, ils les ont décelés également dans mes ganglions lymphatiques. Ils s’attendent maintenant à les trouver dans mon intestin grêle et mon gros intestin. Bientôt, j’en suis sûr, ils n’auront plus rien à enlever. "
C’est à cause de cette maladie que Trevor Stone risque le tout pour le tout; puisqu’il est condamné, il lui faut retrouver sa fille, et élucider le mystère qui l’entoure. Peu importent les moyens (qu’il a grands), sa fille doit être retracée, et il prie les deux héros de s’en charger. Mais ceux-ci feront de drôles de découvertes, dès le début de leur enquête: non seulement Desiree s’est-elle volatilisée, mais Jay Becker, de la Hamlyn & Kohl, détective professionnel, minutieux et expérimenté, est lui aussi introuvable.
Les pas de l’enquêteur mènent Angie et Patrick sur les traces d’illuminés, à l’Église de la Vérité, qui se servent des malheurs des gens, de leurs angoisses et de leurs peines, pour faire de l’argent et les manipuler. Desiree, jeune fille naïve et en détresse à la suite du décès de sa mère, les aurait-elles suivis? Bref, tout cette affaire ne sent pas bon.
Mais la plus grande révélation n’a rien à voir avec la religion, ni avec les dieux, mais bien avec la sale nature humaine.
Il est rare que les romans de Lehane voyagent, si ce n’est dans le passé et la psychologie des protagonistes, d’ailleurs le principal intérêt de ces noirs récits. Le jeune romancier, qu’admire Stephen King, qui n’est pas le moindre de ses fans, compose des personnages complexes, très crédibles par leurs contradictions et leurs côtés obscurs.
Classiques, peut-être, mais avec une touche de réalisme plutôt rare. S’il est vrai que dans les romans policiers, on a l’habitude de compliquer la psyché des protagonistes, pour démystifier le bien et le mal, Lehane trace le portrait de héros imparfaits. Il nous les rend sympathiques et attachants, liés plutôt par des attaches fraternelles qu’amoureuses, même s’il leur arrive de douter de leurs réels sentiments.
La plus grande qualité de Denis Lehane demeure incontestablement son sens du suspense, des rebondissements. Architecte du mystère, Lehane est également un dialoguiste talentueux, qui adore l’ironie et l’humour noir: un moyen de dénoncer les abus des charlatans, et l’exploitation de la misère, entre deux indices.
Malheureusement, il faut supporter une traduction franchouillarde, parfois exaspérante…
Éd. Rivages Noir, 2001, 336 p.