Tombeau de Lou : Denise Desautels

Après la mort de Lou, son amie de toujours, Denise Desautels a voulu traduire en un récit poétique les derniers jours de la disparue ainsi que les souvenirs laissés en héritage. Tombeau de Lou, dont les textes s’inspirent des Visions domestiques, des photographies d’Alain Laframboise, est un émouvant voyage dans l’espace et dans le temps.

La première partie du livre est consacrée à ces photos, qui évoquent, à travers une série de figurines et de jouets en clair-obscur, l’enfance, le passé, la mémoire. Suivent les mots de l’auteure, 11 textes en prose exprimant ses liens avec Lou, le choc du diagnostic, la progression d’une maladie qui allait lui ronger les os et, finalement, la vie qui continue sans l’autre, une vie en forme de blessure.

Dans un discours infiniment sensible, Denise Desautels parvient à dire la réalité clinique de la maladie et la froideur des chambres d’hôpital tout en demeurant sur le ton de la poésie, passant en quelques mots de la description d’une douleur physique à une réflexion d’une grande spiritualité. Plus loin, elle fait entrer le lecteur dans l’intimité de leur relation, exploitant parfois le mode allégorique pour composer des images très riches à partir des personnages représentés sur les photos. Ainsi, deux figurines de plâtre regardant dans la même direction vont, dans le poème, acquérir une dimension symbolique et incarner les amies.

La démarche, thérapeutique sans se restreindre à la thérapie, permet de prolonger l’autre, de ranimer sa présence. "Tu es là et je nous continue. Les figures du souvenir, avec leurs abîmes de parfums et de fruits, ont la vie dure, des siècles devant elles, présentés sur un plateau, et leurs galeries, leurs détours, leurs lacis s’animent sur ton passage. Si offertes tout à coup, monumentales, les figures du souvenir."

Tel un chant mélodieux, ce Tombeau jette un éclairage nouveau sur le passé commun de deux êtres qui, d’une certaine façon, demeurent inséparables. Par la magie de la littérature, ce récit poétique n’est pas tant un repli sur soi et sa douleur qu’un témoignage universel sur ce qui fait le prix de la vie et de l’amitié.

Éd. du Noroît, 2001, 136 p.