Francine Allard : Les Mains si blanches de Pye Chang
On n’a pas lu 20 pages que l’on espère beaucoup de ce héros du nouveau roman de Francine Allard, Les Mains si blanches de Pye Chang. Ce sera humoristique ou tragique? On prendrait l’un ou l’autre. Eh bien, ce sera un peu des deux.
Chaque matin, Sylvain Dupont, quinquagénaire, est tiré du sommeil par la sonnerie du téléphone. Au bout du fil: son père. À 7 h 45, Sylvain Dupont est habillé. Après avoir avalé son petit-déjeuner, bagel et tomates, toujours le même, il prend l’autobus qui le conduit de Notre-Dame-de-Grâce jusqu’à la rue Saint-Denis, où il tient une confiserie, qu’il ouvre à 9 h 30 tapant, chaque matin. Auquel moment son premier client, le même depuis 16 ans, vient acheter un petit sac de bâtons forts. Sylvain Dupont ne supporte pas le dentifrice bleu. Il ne porte jamais de souliers à lacets. Il en est à écrire son treizième roman policier. Et il se nettoie les orteils avant d’aller au lit.
Obsessionnel?
Et pas que ça…
Hanté par l’absence de sa mère, morte sous les roues d’un camion de lait J.J.Joubert alors qu’il n’avait que neuf ans, Sylvain ne doit qu’à l’insistance de l’un de ses thérapeutes (le troisième d’une chaîne qui ne semble pas près d’être rompue!) d’avoir quitté, 15 ans plus tôt, le giron paternel. Entend-il les coups de langue de sa chatte lorsqu’elle fait sa toilette qu’il ne peut s’empêcher de penser aux amourettes de son père avec une putain de passage. Et, bien que celui-là l’encourage à mettre un peu de piquant dans sa vie en lui offrant chaque semaine de nouveaux caleçons et une boîte de capotes, Sylvain Dupont semble de loin préférer la compagnie de lesbiennes.
On n’a pas lu 20 pages que l’on espère beaucoup de ce héros du nouveau roman de Francine Allard, Les Mains si blanches de Pye Chang. Ce sera humoristique ou tragique? On prendrait l’un ou l’autre. Eh bien, ce sera un peu des deux.
L’auteure a choisi de traiter son personnage à la naïve, en enterrant la part tragique de l’histoire de Sylvain Dupont sous des tas de petits moments humoristiques, voire ubuesques. Ainsi en va-t-il d’une étrange histoire de maman chinoise, qui décide de soudoyer Dupont afin qu’il épouse sa grosse fille: un scénario cousu de fil blanc, qui sert bien l’écriture du roman numéro 13 de Sylvain Dupont, mais garde celui de Francine Allard dans la catégorie des romans légers, trop légers.
Éd. Triptyque, 2000, 156 p.
Lorsque cette critique de Mme Sergent est sortie il y a dix ans, de nombreux lecteurs en désaccord avec elle ont écrit leurs commentaires sur ce site. Ils ont disparu. Désormais la critique négative de Mme Sergent, la seule qui ait jamais été écrite, demeure comme LA référence. Je suis déçue. Plusieurs lecteurs et lectrices ont dénoncé le manque de crédibilité de la journaliste arguant qu’ils avaient trouvé ce roman extraordinaire. Je demande donc à VOIR de retirer cette farce qui ne donne pas l’heure juste au sujet d’un de mes meilleurs romans.
Madame Allard
Je vous mets en ligne les billets parus sur le site de Voir. Je copie dans mes documents toutes les critiques parues sur le WEB.
Voici donc ce que l’on pouvait lire sous la critique de Julie Sergent.
1) Premier billet
J’ai bien aimé ce livre de Francine Allard. Qu’on ne s’y trompe pas: c’est bien un roman policier. Mais ce ne sont que dans les 5 dernières pages qu’on le réalise pleinement!!! J’ai aimé le traitement caustique que le héros (anti-héros?!?!?) de ce livre administre aux auteurs et aux éditeurs. Il est aussi intéressant de voir comment la conception de son propre roman policier interfère avec son vécu. Finalement, il est amusant de constater la difficulté, pour le héros, de choisir un sujet, tant il risque, s’il prend quelqu’un qu’il connaît, de se le faire reprocher plus tard, en particulier si c’est un membre de la famille. Cet homme, qui tient confiserie sur la rue St-Denis parce qu’il ne peut vivre de son travail d’écrivain, vit une histoire étrange, dans la personne de cette chinoise qui veut le marier à sa fille, contre une fortune. Jamais l’homme n’acceptera sauf à la toute fin et alors, il sera trop tard. Entre temps, toutefois, il lui sera arrivé plusieurs aventures, qu’il relie toutes à cette chinoise, dont la mort de son chat. Mais lorsqu’il apprendra la vérité, il tombera des nues, tout comme nous. Mais ce n’est pas dans la recherche de cette vérité que tient l’intérêt du livre. C’est beaucoup plus dans l’étude très bien faite du personnage principal et des faire-valoir qui gravitent autour de lui, que ce soit son amie et éditrice, Louise ou ce clochard qui se pointe à chaque matin, à l’ouverture de la confiserie et qui achète des bonbons. Il y a un dernier point que j’aimerais souligner: il est toujours agréable de lire un roman québécois dont l’action se situe dans un lieu que l’on connaît, ici, le plateau Mont-Royal et, principalement, l’intersection Mt-Royal et St-Denis. Ça donne des points de repère qui ajoutent à l’intérêt du livre. Très bien écrit, dans un style direct et intéressant, je recommande ce livre et son auteure.
Deuxième billet
J’ai lu votre Les Mains si blanches de Pye Chang et je suis fâchée de la critique stupide qu’en fait Voir. La journaliste n’a absolument rien compris. J’ai étudié ce roman au cégep et laissez-moi vous dire que 50 étudiants ne peuvent pas se tromper. Le personnage de Sylvain Dupont est sensible et l’histoire, passionnante. Il y a dans ce roman des passages d’anthologie et une étude désopilante de la société des littéraires. On a passé trois cours sur sa vision de l’amour lesbien par rapport aux relations hétérosexuelles; on a réfléchi sur la relation de Sylvain et sa mère lorsque celui-ci a enterré sa chatte avec le fauteuil préféré de sa mère décédée dans un accident de voiture. Son sang mêlé aux pintes de lait, lorsqu’elle a frappé un camion de lait, ressemblait à un milkshake aux fraises. Pathétique. Voir semble écorcher les auteurs québécois qui essaient de faire leur promotion sans agent littéraire, m’avez-vous dit. (Vous aviez téléphoné à la direction du secteur littérature pour leur faire connaître votre roman, m’avez-vous dit au salon du livre de Québec). Les Mains si blanches de Pye Chang est de loin ma plus belle expérience de lecture depuis plusieurs années.
Troisième billet (C’est le mien. Il est plus nuancé que la critique de la sergente chroniqueuse.)
L’auteure passe à la moulinette le psy retors à l’œil torve. Les maux de l’âme ne logent pas nécessairement à l’enseigne du patient. Le héros l’apprend à ses dépens. Au harcèlement paternel et à ses séances de thérapie s’ajoute une Chinoise qui insiste pour qu’il marie sa fille alors que le séducteur en lui lorgne du côté d’une lesbienne. Comment va-t-il se sortir du pétrin ? C’est l’intrigue proposée par une auteure, qui a construit un salmigondis thématique autour d’un cas digne de Freud. Le gourmet tiquera devant ce buffet gargantuesque même si l’auteure a ancré avec brio une psychothérapie à l’intérieur de balises policières.