Une voix dans la nuit : Journal intime
Tout était là. Les longues routes américaines, la Californie dorée, le Midwest sauvage, la problématique relation père-fils; la nostalgie de la jeunesse, la drogue, l’amour, la sexualité, le couple, le sida, l’écriture et ce beau mensonge qui se nomme fiction… Armistead Maupin aurait pu écrire le premier grand roman gai américain. Hélas, il lui manquait quelque chose d’important: l’inspiration…
Tout était là. Les longues routes américaines, la Californie dorée, le Midwest sauvage, la problématique relation père-fils; la nostalgie de la jeunesse, la drogue, l’amour, la sexualité, le couple, le sida, l’écriture et ce beau mensonge qui se nomme fiction… Armistead Maupin aurait pu écrire le premier grand roman gai américain. Hélas, il lui manquait quelque chose d’important: l’inspiration…
Le célèbre romancier des Chroniques de San Francisco (portées au petit écran au milieu des années 90) a publié, l’an dernier, The Night Listener. Un livre très autobiographique qui vient de paraître en français, sous le titre d’Une voix dans la nuit, dans une hérissante traduction hexagonale. Parmi les perles, il y a ce cock sucker devenu un "fumeur de pines"!!!
Une voix dans la nuit est l’histoire de Gabriel Noone, un écrivain de 50 ans, célèbre porte-parole de la communauté gaie de San Francisco. Le jour où son compagnon le quitte, Gabriel tombe en dépression. Mais un manuscrit envoyé par un éditeur lui redonnera la force de vivre. Il a été écrit par un garçon de 13 ans, Pete. Fidèle admirateur de Gabriel, Pete est atteint du sida après avoir été abusé sexuellement par ses parents et des proches dans un bled du Wisconsin. Noone appelle Pete pour le féliciter et une belle complicité se noue entre eux. Du Wisconsin à San Francisco, ils se parlent souvent, la nuit, et deviennent l’un pour l’autre un père et un fils.
Toutefois, après avoir questionné des proches, un doute s’insinuera dans l’esprit de Gabriel quant à la véritable identité de Pete. Pour s’en assurer, il risquera l’aventure dans le Midwest. Le récit tourne alors au "suspense hitchcokcien". Avant de se conclure sur le thème du phantasme de l’écrivain et de l’utilité de la fiction pour "arranger tout ce qui a besoin d’être arrangé".
Autobiographique, en effet, Maupin s’est lancé dans ce projet après sa rupture avec Terry Anderson, son amant et bras droit, qui l’a aidé à gérer le succès mondial de ses livres. En soi, une peine d’amour peut être une bonne source d’inspiration, car elle permet de faire le bilan d’une vie… Or ici, il s’agit davantage de la peine d’orgueil d’un être égocentrique qui vit dans une cage dorée depuis la fin des années 70. À travers Noone, Maupin expose amplement sa vie privée (ses relations sad0masos, ses rencontres dans les toilettes publiques et les backrooms) ou professionnelle (ses relations avec les éditeurs et le milieu littéraire). On a même droit à quelques pages sur les derniers jours de son vieux chien malade…
Mais le problème, c’est que Maupin n’arrive pas à rendre extraordinaire le quotidien de Noone. Aussi célèbre soit-il, son personnage aligne un fatras de banalités. En inventant à son auteur une relation ennuyante (leurs conversations téléphoniques sont convenues et interminables, comme la plupart des dialogues de ce roman) avec un adolescent pour lui donner une raison de vivre, c’est comme si Maupin nous avouait qu’il ne se passe rien de très captivant dans sa propre vie.
Le romancier nous amène sur plusieurs pistes sans jamais les fouiller en profondeur. L’homophobie, le couple, la paternité, la notoriété, la famille, Maupin glisse d’un grand thème à l’autre sans rien apporter de nouveau. Résultat, le lecteur reste sur sa faim, et se désintéresse des péripéties de Gabriel Noone.
À la fin de son périple, notre héros fume un joint et prend un jacuzzi sous le clair de lune. Bonne occasion de réfléchir à sa condition humaine: "Même ma solitude ne me faisait plus aussi peur. J’étais bien là où j’étais, quinquagénaire et célibataire, ventre mou et scrotum pendant, à contempler mon petit lopin d’étoiles."
Tout ça pour ça!
Une voix dans la nuit
d’Armistead Maupin
Éd. de l’Olivier, 2001, 408 pages