Là où la mer commence : Dominique Demers
À défaut de se démarquer par un style particulier (cette chose tellement rare qu’on en jubile, forcément, chaque fois qu’on la croise!), Dominique Demers sait raconter. Et elle en fait à nouveau la preuve avec son deuxième roman pour adultes, Là où la mer commence, qui paraît cette fois chez un éditeur français, Robert Laffont.
Dominique Demers
faisait remarquer en ces pages, à l’occasion de la sortie de son premier roman destiné à un public adulte (oeuvre qu’elle abordait avec un titre pour le moins évocateur: Le Pari, Québec/Amérique, 1998), que la critique d’aujourd’hui valorisait davantage le style que l’art du récit, laissant à penser qu’elle-même, ou du moins son écriture, privilégiait davantage la seconde qualité.
À défaut, en effet, de se démarquer par un style particulier (cette chose tellement rare qu’on en jubile, forcément, chaque fois qu’on la croise!), Dominique Demers sait raconter. Et elle en fait à nouveau la preuve avec son deuxième roman pour adultes, Là où la mer commence, qui paraît cette fois chez un éditeur français, Robert Laffont.
C’est un roman d’amour, écrit très simplement donc, et sans chapitres, si bien qu’on trouve mal l’occasion de le déposer, et qu’on finit par le traverser d’une traite! L’histoire se passe au début du dix-neuvième siècle, dans un village tout en anses et en baies, sur le Saint-Laurent. Elle met en scène la jeune Maybel, dite La Belle, fille d’un Canadien et d’une Britannique qui n’a pas survécu à l’aridité de la petite vie et qui a pris la poudre d’escampette avec un riche capitaine anglais. Dans l’autre coin du ring amoureux: un jeune garçon, dit La Bête, dont la mère est morte, et que le père, un richissime seigneur écossais, garde plus ou moins prisonnier dans leur domaine. C’est que le garçon a eu la moitié du visage arrachée dans un accident de chasse, et qu’il est depuis confiné à être la honte de son père et, bien sûr, la terreur des habitants du village. La rencontre ne se fera pas sans heurts entre ces deux adolescents sans maman, qui agissent avec la fronde de ceux qui n’ont rien à perdre. Mais ils combattront les cancans et la petitesse d’esprit, ils braveront les intempéries, ils s’apprivoiseront peu à peu, La Belle transmettant à La Bête son insatiable joie de vivre, tandis que La Bête enseignera à son amie l’amour de la lecture.
On le voit, Là où la mer commence est une espèce de roman du terroir, inspiré d’un croisement de La Belle et la Bête, des Contes de ma mère l’Oye et de Notre-Dame de Paris. C’est dans cette hybridité que réside l’intérêt du roman, qui ne renouvelle évidemment rien, mais qui tiendra bien enroulés autour de son petit doigt les lecteurs, ou disons plus sûrement les lectrices, qui ont un penchant invétéré pour les choses romantiques.
Dominique Demers est passée chez Laffont pour publier ce roman populaire et on peut penser qu’elle trouvera chez les Français un public peut-être plus enclin que les Québécois à se laisser charmer par l’illustration qu’elle y fait du Québec d’antan. La romancière ne quitte pas pour autant son éditeur québécois, Québec/Amérique, qui publiera sous peu son nouveau roman pour adolescents, ainsi que le quatrième tome des aventures de Charlotte, un des personnages préférés des enfants.
Éd. Robert Laffont, 2001, 209 p.