L’Argent du monde 2 de Jean-Jacques Pelletier : Un succès, la suite
Le polar-thriller québécois trouve en l’écrivain-philosophe Jean-Jacques Pelletier un auteur réflexif, minutieux et constant. À preuve, le second volume de L’Argent du monde succède au premier avec brio. Une suite passionnante.
Dans le deuxième et dernier volume de L’Argent du monde, second volet de la tétralogie Les Gestionnaires de l’Apocalypse, l’écrivain-philosophe Jean-Jacques Pelletier finit ce qu’il avait commencé. Non pas tant qu’il termine son histoire de blanchiment d’argent, mais il continue plutôt de nous épater…
Car les deux passionnants tomes de L’Argent du monde se présentent sous forme d’un questions-réponses percutant; le premier les posant crûment par une série de meurtres et de magouilles financières, le second leur répondant habilement dans une suite de dénouements inattendus. Et ce deuxième volume, qui vient de paraître, confirme que Pelletier maîtrise l’art du thriller.
Ainsi, après avoir mis la table dans le premier volume, Pelletier s’attaque cette fois au service du repas principal. Cinq étoiles, comme on s’y attendait un peu… La deuxième partie se veut essentiellement une lutte au sommet (et à finir) entre l’Institut, l’organisation d’enquête dirigée par l’énigmatique F, et le méchant Consortium, dominé par Leonidas Fogg, toujours aussi machiavélique. Pelletier nous présente donc, en parallèle, le déploiement du plan d’attaque des deux organisations, sorte de guerre froide menée avec la précision et la minutie propres à l’auteur.
D’un côté, le Consortium continue de peaufiner ses mouvements de capitaux douteux, tout en parachevant une campagne de discrédit et de propagande contre l’Institut, notamment grâce à l’équipe de femmes-araignées de la veuve noire si diabolique, Jessyca Hunter. Attaqué sur tous les flancs, l’Institut décide de lancer une vaste opération internationale pour démanteler le réseau de blanchiment d’argent du Consortium (échafaudé dans le premier tome), réseau dont le Québec fait figure de plaque tournante. Cette opération – et ce livre même – repose beaucoup sur le volubile inspecteur Théberge, le hacker informatique Chamane et l’homme aux multiples personnalités Hurt, trois piliers originaux et colorés du récit.
Résultat: un livre écrit et réglé comme une partie d’échecs, où les déplacements sont calculés… et où les pions tombent toujours en premier. Car cette histoire n’échappe pas au thème chéri de Pelletier: la manipulation des individus, victimes de leur naïveté et de leur avarice, sujet savamment exploité également dans La Chair disparue. Plus encore, c’est le lecteur que manipule le marionnettiste Pelletier dans le second volume de L’Argent du monde, avec des surprises à l’emporte-pièce. Et on se laisse faire, envoûté.
Dans ce deuxième tome, Pelletier a pourtant le mérite de ne pas prendre ses lecteurs pour des cons. Car l’auteur dépeint plusieurs milieux, comme celui des motards, des bars de danseuses, des sectes et de la mafia, sans jamais tomber dans les clichés du genre. D’ailleurs, Pelletier présente ces univers tellement fidèlement qu’on croirait qu’il est lui-même mêlé à de douteuses activités… Ici s’arrête la rumeur, S.V.P. Par contre, ce qui ne manque pas de rappeler le professeur de philo en Pelletier (et non l’escroc), ce sont les dialogues: parfois philosophiques, d’autres fois humoristiques, ils donnent un ton vivant et réflexif à l’oeuvre.
À lire Pelletier, on développe également une sorte de paranoïa. L’emprise du crime organisé serait-elle vraiment aussi grande qu’il le décrit? Ses ramifications, aussi profondes? Ses activités, aussi étendues? Bref, on ne se poserait certainement pas toutes ces questions si son histoire n’était pas convaincante. Et jouissive…
L’Argent du monde – 2
Éd. Alire, 2001, 593 p.