Deux villes : John Edgar Wideman
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Deux villes : John Edgar Wideman

John Edgar Wideman ne fait pas dans la facilité. Livre après livre, il nous plonge dans un flot étouffant de phrases et d’images. Et c’est peut-être la bonne façon, la seule façon d’exprimer ce qui est au coeur de tous les romans de Wideman: les conditions de vie du peuple noir des États-Unis.

John Edgar Wideman

ne fait pas dans la facilité. Livre après livre, il nous plonge dans un flot étouffant de phrases et d’images. Et c’est peut-être la bonne façon, la seule façon d’exprimer ce qui est au coeur de tous les romans de Wideman: les conditions de vie du peuple noir des États-Unis.

Deux villes gravite autour de trois personnages. M. Mallory, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, vit ses derniers jours à Pittsburgh en ressassant ses souvenirs. Particulièrement ses conversations avec John Africa, un type qu’il a connu à Philadelphie et qui est mort en 1985 lorsque la police (le fait est réel) a fait brûler un pâté entier de maisons afin d’en déloger un groupe de Noirs radicaux qui y avaient établi leurs quartiers généraux.

M. Mallory a une voisine: Cassina Way. Elle a 35 ans; elle n’en peut plus de voir mourir ceux qu’elle aime. Au fil de la dernière année, son mari a été emporté par le sida tandis qu’il était en prison, et ses deux fils également sont décédés: l’un au cours d’une partie de roulette russe, l’autre sous le feu d’un gang de rue. Un soir, Cassina rencontre Daron, un homme dans la jeune cinquantaine, dont elle tombe amoureuse bien malgré elle: "Trente-cinq ans et en moins d’un an un mari mort en prison et deux fils tués dans la rue de toutes les tueries mais je suis là où je suis, là où j’aurais promis juré que je ne serais jamais, à aimer un homme et à porter encore de la vie peut-être un jour en moi."

Le roman est ponctué de trois rencontres avec des membres de gangs de rue. Dans un parc, un type mécontent de la tournure d’une partie de basket-ball assassine le ballon à coup de magnum! Une autre fois, M. Mallory fait face à deux petits truands: "Où étiez-vous donc quand nous avions besoin de vous. Quand les forces armées de la police ont attaqué John Africa et les siens, quand ils ont égorgé femmes et enfants et incendié tout notre quartier. Nous avions besoin de vous à ce moment-là. Où étiez-vous." Puis, après la mort de M. Mallory, tandis que Cassina et Daron sont les deux seules personnes à veiller le corps du vieillard, dans une autre salle du salon mortuaire, deux bandes rivales se tirent dessus autour du cadavre d’un membre d’un des gangs qui s’est fait descendre après avoir tué un membre de l’autre groupe.

Deux villes raconte la difficulté de survivre à l’horreur ordinaire des grandes villes états-uniennes. "La vie est trop courte, quel que soit le nombre des années", constate Cassina: il faut la vivre avec d’autant plus d’urgence.

Avec Deux villes, John Edgar Wideman a écrit un roman profondément troublant et touchant: un long blues désespéré, triste et beau.

Éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2000, 279 p.

Deux villes
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