Le Sexe sale : Pauline Gélinas
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Le Sexe sale : Pauline Gélinas

Le sexe est encore frustré. Le sexe est encore, comme dans le titre du premier roman de Pauline Gélinas, Le Sexe sale.Ce qui rend ce roman particulièrement intéressant, outre le fait qu’il montre qu’on est loin d’être sortis de l’auberge de nos chambres à coucher, c’est qu’il ne se présente ni comme un seul pamphlet contre le discours puritain, ni comme l’autobiographie d’une jeune fille  frustrée.

Si l’industrie du film pornographique peut être de bien des manières le baromètre de la sexualité moderne, on peut croire que l’émergence dans les dernières années de vidéos XXX réalisées par des femmes témoigne à tout le moins du désir des femmes de prendre en charge leurs fantasmes. Sera-t-il bientôt liquidé, ce temps de l’amour dans le noir et le silence honteux; sortirons-nous enfin des placards les godemichés, les menottes et les livres pornos? À n’en pas douter, ce sera long avant qu’on puisse tous prétendre avec sérénité à la sexualité qu’on veut. Le sexe est encore frustré. Le sexe est encore, comme dans le titre du premier roman de Pauline Gélinas, Le Sexe sale.

Ce qui rend ce roman particulièrement intéressant, outre le fait qu’il montre qu’on est loin d’être sortis de l’auberge de nos chambres à coucher, c’est qu’il ne se présente ni comme un seul pamphlet contre le discours puritain, ni comme l’autobiographie d’une jeune fille frustrée, ni, malgré plusieurs scènes torrides, comme un roman érotique. Bien qu’il soit un peu tout cela, c’est surtout un roman de la femme moderne qui veut redonner à la sexualité la place qu’elle mérite dans le couple: à l’avant-scène de l’intimité.

L’héroïne de Pauline Gélinas a 20 ans et des poussières. Elle a aussi beaucoup de fantasmes inavoués et, forcément, inassouvis. Autant elle est habitée par le désir charnel, autant son amour-propre est chancelant, la jeune femme ayant appris, de sa mère, que toutes les choses du sexe étaient foncièrement sales. "Je les entends penser: "Putain, si jeune et si putain." Elle se vêt de manière extrêmement sensuelle; raconte aux hommes des histoires érotiques; baise, mais toujours avec l’ombre tragique du sermon maternel qui plane au-dessus de sa tête. La culpabilité semble invincible. Jusqu’à ce que la jeune femme rencontre l’homme dont le regard sera si dénué de préjugés qu’elle voudra bien jouer avec lui les scènes, violentes, tendres, toujours chaudes, qu’ils ont, l’un et l’autre, dans la tête. Ce sera parfois à la limite de ce que certains lecteurs considèrent comme correct ("Toutes les femmes, oui, rêvent d’être violées. Mais par leur mari. Leur amant. Par l’homme désiré. Par le désir. Violées par le désir."). Le plus souvent, ça dépassera cette limite ("Ne t’inquiète pas. Je n’en ai pas fini avec toi, ma putain. Tu en veux encore, hein?"). Mais, en fin de compte, ce n’est qu’un jeu, et il n’appartient qu’à ces amoureux-là de le disséquer. Pour lui, un jeu libérateur. Pour elle, un jeu réparateur: un jeu qui aura fait " casser la colère du tabou".

Pauline Gélinas a une plume qui prend divers accents: parfois assez poétique, parfois châtiée (à quand remontent vos dernières "oaristys" et vos "tsunamis"?), et parfois très simple, notamment lorsque son héroïne raconte les jeux de touche-pipi de son adolescence. Et c’est tout son roman qui fait preuve de sensibilité, et d’un bienheureux bon sens.

Éd. Les intouchables, 2001, 156 p.

Le Sexe sale
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Pauline Gélinas