Publier pour la première fois : La première oeuvre
Qu’est-ce qui fait qu’un manuscrit peut devenir un livre? Quelles qualités primordiales les éditeurs recherchent-ils dans un manuscrit? Deux jeunes auteurs nous racontent leur expérience littéraire, alors que des porte-parole de maisons d’édition nous confient ce qui, selon eux, façonne une bonne oeuvre.
Parmi le grand nombre de gens qui écrivent et rêvent de voir leur nom sur une jaquette de livre, quelques-uns réussissent à sortir de l’ombre. My Lan To et Martin Manseau ont vu cette année leur première oeuvre publiée. Bien que leurs textes diffèrent, leur motivation personnelle d’écriture présente des similitudes: le besoin d’écriture et la réflexion.
Étudiante en médecine à l’Université McGill et auteure de Cahier d’été (éd. Triptyque), My Lan To écrit par plaisir, mais surtout par besoin de créativité. Que ce soit son journal intime, des articles de journaux étudiants ou des essais, elle écrit depuis toujours. L’écriture représente pour elle un outil d’auto-analyse. Son manuscrit, My Lan le met en pages à 17 ans, et il remporte un prix littéraire. Elle attendra quelques années avant de le soumettre à cinq maisons d’édition. Elle essuie des refus et, alors qu’elle n’y croyait plus, reçoit une lettre positive. Une maison accepte de publier son oeuvre avec quelques recommandations. Les suggestions mineures de l’éditeur lui permettent d’alléger son style. "Excitée" de voir son livre en librairie, la jeune auteure se dit "surprise que ça se soit passé si facilement". Elle ajoute que la valeur d’un texte n’est pas altérée par un refus de publication. Au lieu d’en faire un drame, il faut plutôt continuer à écrire et à croire en la qualité de ses textes.
J’aurais voulu être beau (également chez Triptyque), le premier livre de Martin Manseau, se veut un portrait de sa génération, soit les 25-30 ans. L’écriture, qui a toujours fait partie de sa vie, est pour lui un réflexe qui le force à réfléchir. Provocateur, Martin aime bouleverser et dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas. À partir des courts textes qu’il publie dans la revue Mæbius, il découvre le fil conducteur qui lui permet de constituer son manuscrit. Après plusieurs refus et une très longue attente, son livre est finalement accepté pour publication. On l’encourage à "peaufiner son texte ainsi qu’à aller au fond de son style". La publication de son livre le rend surtout "très fier d’avoir osé! Écrire dans le style qu’on veut est un acte de courage", affirme-t-il. Heureux de ne pas avoir suivi la tendance populaire, il recommande aux futurs auteurs de ne pas avoir peur de prendre des voies originales.
Suivre sa voix
Ce point de vue ressemble à celui des éditeurs. En effet, ceux-ci observent qu’un texte trop étayé et cherchant à se justifier semble la faiblesse commune des premiers manuscrits. Selon Jean Bernier, directeur de l’édition chez Boréal, "prolixes en explications, les auteurs ont peur des sous-entendus. Ils en mettent trop pour deux raisons: ils manquent de confiance en leur écriture et sous-estiment l’intelligence du lecteur". Jean Barrette, codirecteur de la collection romans aux éditions Vents d’Ouest, abonde dans le même sens en ajoutant que les préambules trop longs doivent être coupés de vingt, trente pages et même davantage. "En fin de compte, dit-il, le lecteur doit embarquer après deux pages de lecture."
Si les éditeurs recherchent la qualité d’expression, tous sont d’accord pour dire que l’atout premier d’un texte doit être l’originalité: de ton, de thème ou de trame. Leur décision d’accepter ou de refuser un manuscrit semble subjective et fondée sur une intuition. "Il faut d’abord aimer l’oeuvre, que ce soit un coup de coeur, explique Jean Bernier." Afin d’évaluer les manuscrits qu’on lui soumet, chaque maison d’édition s’appuie sur un comité de révision, formé généralement de trois personnes, qui présente rapport et recommandations.
Lorsqu’un manuscrit est accepté, l’encadrement accordé aux auteurs semble varier d’une maison à l’autre. Chez Boréal, par exemple, on refuse ou on accepte. Si on accepte, c’est que le manuscrit est proche de l’état final, dans une forme déjà achevée. Les modifications sont donc superficielles. Chez Vents d’Ouest, on offre un encadrement un peu plus formateur. Il arrive que l’histoire soit bien ficelée, mais que la syntaxe présente des faiblesses, ou vice versa. L’éditeur peut suggérer des révisions en profondeur et guider l’auteur dans un remaniement plus complexe. Et il l’invite parfois à revenir après avoir retravaillé son texte.
Les éditeurs ont-ils quelques conseils à prodiguer aux futurs auteurs? Écrire beaucoup; se faire confiance; songer à soi et non aux lecteurs et aux éditeurs; ne pas se décourager devant le long processus; se faire relire par un comité de lecteurs personnel (autre que la famille!), par de nombreuses personnes qui peuvent dire le fond de leur pensée; ne pas avoir peur des critiques ni de se dévoiler. De plus, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) offre sur son site Web (www.anel.org) des renseignements très utiles sur la présentation d’un manuscrit.
Donc, futurs auteurs, patience, laissez transparaître votre personnalité dans vos textes, écrivez et osez!