Exister : La vie en direct
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Exister : La vie en direct

Poète et dramaturge (et gagnant d’un prix Trillum, en 1999, pour Du chaos et de l’ordre des choses, recueil de poèmes), Stefan Psenak (aussi éditeur) a écrit un roman, Les Corps en sursis (1999), et publie aujourd’hui un premier recueil de nouvelles: Exister.

Poète et dramaturge (et gagnant d’un prix Trillum, en 1999, pour Du chaos et de l’ordre des choses, recueil de poèmes), Stefan Psenak (aussi éditeur) a écrit un roman, Les Corps en sursis (1999), et publie aujourd’hui un premier recueil de nouvelles: Exister. Variant les genres, le jeune auteur outaouais, né en 1969, commence à se bâtir une oeuvre, et démontre qu’il a quelque chose à dire.

Dans ce nouveau recueil de 12 nouvelles, il observe le monde qui l’entoure – plus que lui-même -, et conjugue la vie de ses personnages sur plusieurs modes: ironique, tragique, mais toujours avec un regard placide sur les êtres et les choses.

Ainsi, la vieille Élizabeth (Ce qui sépare l’âme du corps) se souvient du jour de son départ de Bratislava pour le Nouveau Monde, alors qu’elle faisait sa valise, nue, à 17 ans, dans sa petite chambre. "La fenêtre entrouverte laisse pénétrer une légère brise. Frais sans être froid, malgré le fait que novembre frappe déjà à la porte, le vent souffle sur la peau d’Élizabeth." Elle éprouvera une sensation agréable, presque coupable, mais qui la suivra toute sa vie, comme un souvenir initiatique, et bien sûr marquant puisqu’il lui rappelle un moment charnière de sa vie. Plus loin, un père plein de douleur, de violence et de hargne fait souffrir sa famille, comme le raconte cette nouvelle troublante, à plusieurs voix (La réalité n’a pas besoin de moi). Tout d’abord, ce père: "Les amis, la famille, même les gars avec qui je travaille, des Canadiens français qui parlent pas deux mots d’anglais, m’appellent Tony. Je m’arrange bien avec ces gars-là. Peut-être parce que c’est des jobbers, comme moi." Puis, plus loin, son fils raconte la vie de ce père aimé et haï, ce Pollock à qui l’on a volé sa terre, lui qui en avait déjà perdu une, en quittant son pays. Ensuite, c’est au tour de sa fille de s’exprimer à son tour, excédée par l’alcoolisme et la barbarie de son père. "Mon frère est revenu dans la cuisine, il a regardé ma mère pis il lui a dit que s’il levait encore la main sur elle, cette fois-là il le manquerait pas. Il pleurait. Toute notre vie nous remontait à la gorge."

Les autres textes, pour la plupart, sont plus légers: Psenak relate la rencontre d’un tueur à gages et de son client (Il me rappelle vaguement quelqu’un); l’aventure d’un homme à la recherche d’une femme, Inès, peintre disparue ayant semé derrière elle des tableaux énigmatiques (Le Portrait inachevé); ou encore, ce texte très bref, dans lequel une femme arrose ses fleurs, en ressassant la tragédie qu’elle a vécue en Afrique, et qui lui ôte doucement la vie (Mourir un peu).

Les première et dernière nouvelles, Exister et Marcher au milieu du tumulte, évoquent toutes deux le combat pour vivre, et l’angoisse de la mort, toujours présente, même dans les moments les plus beaux: une naissance imminente, par exemple. Le Nettoyeur, la plus longue du livre, détonne avec ses airs de polar, et raconte la vie d’un homme maniaque de propreté, mais porté sur les paradis artificiels, dépendance dont il devra payer le prix.

En général, si les histoires sont rondement menées, leur qualité stylistique est cependant inégale. Certains textes, plus inspirés, démontrent une plume vive et subtile (Ce qui sépare l’âme du corps, La réalité…, Le Nettoyeur notamment); tandis que d’autres, plus banals (parmi lesquels Blind Date), expriment peu d’originalité sur le plan littéraire. Tous, cependant, laissent entrevoir le Psenak dramaturge, plutôt que le poète, par l’importance accordée aux personnages et au plaisir de raconter leur vie.

Éd. Le Nordir, 2001, 106 p.

Exister
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Stefan Psenak