La Mare au diable : VoRo (d'après le roman de George Sand)
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La Mare au diable : VoRo (d’après le roman de George Sand)

Âgé de 25 ans, VoRo est un de nos bédéistes les plus prometteurs. Il publie un livre inspiré de La Mare au diable, un classique de George Sand.

C’est en novembre 1845, durant les orages de sa liaison avec Frédéric Chopin, que George Sand écrivit La Mare au diable. Ce roman champêtre, qui mettait en scène une idylle amoureuse ayant pour cadre la campagne berrichonne, reste un des chefs-d’oeuvre les plus durables de la romancière. Un siècle et demi après sa création, lors d’un voyage en Espagne, VoRo lira ce roman, le seul qu’il ait réussi à trouver en français. Écrit à une époque où Sand aspirait à retourner dans son terroir natal, il frappera le jeune Québécois, qui explique aujourd’hui que "les paysages décrits [lui] rappelaient [son] coin de pays". Il en tombera donc amoureux et, après maintes relectures, décidera d’en faire une bande dessinée.

Cette histoire, que George Sand mit quatre jours à écrire, VoRo consacrera pas moins de deux années à l’adapter et à l’illustrer. Un bel hommage, d’autant plus intéressant qu’il ferme en quelque sorte une boucle, George Sand ayant elle-même été inspirée pour écrire son roman par une gravure de la Renaissance, Le Laboureur de Hans Holbein, appartenant à une série bien connue intitulée Les Simulacres de la mort, laquelle peut être considérée comme un des ancêtres de la bande dessinée.

Est-il besoin de rappeler l’intrigue, des plus simples? Jeune fermier, veuf et père de trois enfants, Germain doit se rendre à Fourche pour rencontrer celle qui deviendra sa seconde femme. Il est accompagné par Petit Pierre, son fils aîné, ainsi que par Marie, la fille d’une voisine pauvre, qu’il conduit chez son nouvel employeur. Quand le trio traverse la forêt, le brouillard leur fait perdre la route, les forçant à passer la nuit sous un grand chêne, près de la Mare au diable, réputée pour être habitée par des esprits et pour porter malheur à quiconque s’en approche. À cet endroit se scellera le destin des trois personnages.

Avec son dessin semi-réaliste et ses couleurs chaudes et terreuses, délicatement appliquées à l’aquarelle, VoRo propose une adaptation libre du roman. Reprenant ses savoureux dialogues et l’intrigue de base du père et du fils qui succombent, chacun à sa manière, aux charmes de la douce Marie, la bande dessinée conserve également les noms des personnages et les toponymes français. Graduellement, toutefois, on se rend compte que la campagne, sur laquelle brillent trois lunes et qui est habitée par une multitude de bestioles sympathiques ou inquiétantes, mais totalement imaginaires, n’appartient pas à la province de l’histoire originale. Curieusement, l’esprit sandien gagne plutôt qu’il ne souffre de cette intéressante transposition poético-fantastique.

Âgé de 25 ans, VoRo est un de nos bédéistes les plus prometteurs. Comme on pouvait le faire à l’oeuvre de Sand, on pourrait reprocher à sa BD un (léger) excès de sentimentalisme. Mais à notre époque, comme au milieu du XIXe siècle, les bons sentiments sont loin de nuire. Parmi ses contemporains cyniques, l’oeuvre de VoRo est une délicate attention qu’apprécieront tant les adultes que les enfants.

Éd. Mille-Îles, 2001, 52 p.

La Mare au diable
La Mare au diable
VoRo