15 février 1839 / Lettres d'un patriote condamné à mort : Chevalier de Lorimier, dir. M.-F. Desbiens et J.-F. Nadeau
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15 février 1839 / Lettres d’un patriote condamné à mort : Chevalier de Lorimier, dir. M.-F. Desbiens et J.-F. Nadeau

Écrites entre le 12 et le 15 février 1839, la vingtaine de lettres que Chevalier de Lorimier a adressées à sa femme, à des amis et à des membres de sa famille sont imprégnées d’émotion et d’un romantisme tout à fait d’époque qui les rend véritablement touchantes.

15 février 1839 / Lettres d’un patriote condamné à mort
par Chevalier de Lorimier
dir. M.-F. Desbiens et J.-F. Nadeau
Au Pied-du-Courant / Lettres des prisonniers politiques de 1837-1839
dir. Georges Aubin

Les nationalistes québécois ne cessent de se réclamer du valeureux mais pathétique exemple des patriotes de 1837 et 1838. Falardeau a fait un film pour raconter cette triste page d’histoire, dans lequel il a mis suffisamment de larmes dans son venin polémique pour ouvrir les robinets à émotion des spectateurs. On se devait bien sûr de profiter de l’occasion pour faire paraître une nouvelle édition des lettres que Chevalier de Lorimier a écrites quelques jours avant sa pendaison. Cela en prenant évidemment soin, synergie publicitaire oblige, de mettre en couverture une photo du film, et d’intituler le bouquin 15 février 1839.

Écrites entre le 12 et le 15 février 1839, la vingtaine de lettres que Chevalier de Lorimier a adressées à sa femme, à des amis et à des membres de sa famille sont imprégnées d’émotion et d’un romantisme tout à fait d’époque qui les rend véritablement touchantes. Il faut souligner l’excellent travail de Marie-Frédérique Desbiens, qui a établi le texte de ces Lettres d’un patriote condamné à mort à partir des documents les plus sûrs, et qui a su en éclairer le contenu grâce à un ensemble de notes explicatives pour le moins exhaustives.

Mais un petit problème apparaît à la lecture de ces documents: problème, en tout cas, pour les indépendantistes tentés de considérer ce recueil de textes comme leur évangile selon Chevalier de Lorimier. Car comment faire du personnage un précurseur de l’anti-fédéralisme contemporain lorsque, au coeur même de son célèbre testament politique du 14 février, Chevalier de Lorimier écrit que "le sang & les larmes versés sur l’autel de la Liberté arrosent aujourd’hui les racines de l’arbre qui fera flotter le drapeau marqué des deux étoiles des Canadas".

Contrairement à ce que voudraient faire croire Falardeau et compagnie, les rebelles de 1837 et 1838 ne cherchaient nullement à séparer le Bas-Canada du Haut-Canada. Les patriotes du Québec et de l’Ontario d’alors, francophones et anglophones confondus, voulaient les uns comme les autres se libérer de l’autorité coloniale britannique.

Évidemment, les lettres de Chevalier de Lorimier, de même que les missives des autres prisonniers rebelles (publiées par Georges Aubin sous le titre d’Au Pied-du-Courant, Lettres des prisonniers politiques de 1837-1839), sont fortement imprégnées de fureur contre l’autorité britannique. Leurs auteurs s’en prennent parfois avec mordant aux soldats et aux représentants du gouvernement. Cependant, ils ne disent jamais un mot contre leurs compatriotes anglos. Les patriotes n’avaient que faire des oeillères du nationalisme ethnique; pour eux, il n’y avait pas de "maudits anglais", uniquement un gouvernement maudit. Ils ne cherchaient pas à se séparer du Canada, mais à rendre les deux Canadas indépendants de l’Angleterre, la superpuissance politico-économique de leur époque.

En fin de compte, les rebelles de 1837 et 1838, tant ceux du Bas que du Haut-Canada, ressemblaient bien plus à de jeunes militants anti-mondialisation qu’à des pépéquistes – une conclusion qui, sous la plume des Lucky Luke de la lettre à l’éditeur, toujours empressés d’étaler leurs orgasmes d’indignation, deviendra certainement l’expression d’un vaste complot fédéraliste anti-québécois…

Éd. Agone / Comeau & Nadeau, 2001, 126 p. / Éd. Agone / Comeau & Nadeau, 2000, 458 p.

15 février 1839 / Lettres d'un patriote condamné à mort
15 février 1839 / Lettres d’un patriote condamné à mort
Chevalier de Lorimier