Des années des mois des jours : 14
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Des années des mois des jours : 14

L’exil, la perte d’identité, la mort. Si ces sujets ne sont pas neufs, ils sont inépuisables. Folch-Ribas aurait pu les traiter de front, dans le feu de l’action il a préféré le mode de la lenteur, de la métaphore, du double sens, de l’impressionnisme. Malheureusement, son roman se perd dans un flou poétique qui le rend difficile à suivre.

Des années des mois des jours

de Jacques Folch-Ribas

De la ville de New York aux rives du golfe du Saint-Laurent, la route est longue. Mais c’est là-bas que Mathieu, protagoniste du dernier roman de Jacques Folch-Ribas, tient à emmener Béatrice. Pour qu’elle puisse vivre avec lui les derniers jours que la maladie daignera bien lui accorder. Là-bas, dans cette maison qu’il a jadis habitée avec une autre, cette belle vieille maison qu’il avait nommée Le Paradis. Au fil de ce trajet, Mathieu se raconte, et se souvient. Les gens rencontrés, les amours anciennes, les pays visités. Et lui revient en mémoire cette autre très longue route qu’il a faite il y a si longtemps, celle, tortueuse, qui l’a mené de Barcelone jusqu’en Amérique, terre d’accueil, terre des déracinés, terre des rêves brisés.

Le thème de l’exil est bien au coeur du onzième roman de ce professeur d’architecture et d’urbanisme, critique de longue date au journal La Presse. Lui aussi exilé de sa Barcelone natale, qu’il quittait en 1939, après la guerre d’Espagne, d’abord pour la France, ensuite pour le Québec, Jacques Folch-Ribas fait, à travers Des années des mois des jours, une

lente et profonde réflexion sur les conséquences du déracinement, de la perte de son héritage, de sa langue natale, voire de son nom. Le Mathieu du roman ne porte-t-il pas, en fait, un nom d’emprunt, celui que lui ont donné ses parents adoptifs? Et ce critique de New York à qui il a laissé ses aquarelles à la condition qu’on ne l’importune pas, ne lui a-t-il pas

inventé de toutes pièces une identité? Et le paradis, existe-t-il vraiment? Nous ne le saurons pas avant de mourir, semble-t-il nous dire.

L’exil, la perte d’identité, la mort. Si ces sujets ne sont pas neufs, ils sont inépuisables. Folch-Ribas aurait pu les traiter de front, dans le feu de l’action; il a préféré le mode de la lenteur, de la métaphore, du double sens, de l’impressionnisme. Malheureusement, son roman se perd dans un flou poétique qui le rend difficile à suivre. Et la narration, qui passe de la première à la troisième personne sans crier gare, n’aide en rien. Les personnages semblent d’un autre âge, d’un autre monde. Ce sont des êtres éthérés, qui ont l’air de flotter au-dessus de la réalité, qui se vouvoient, se récitent des vers, dialoguant comme dans les salons. "Vous m’avez tant parlé de cette maison que je ne peux plus l’imaginer. Chaque mot la transforme, je ne la vois plus, je la vois peinte de différentes manières, je ne

sais plus laquelle est la vraie. – Bien sûr, les mots font, et défont, et refont… Elles sont toutes vraies."

C’est dans la description des paysages que Folch-Ribas se surpasse. Et il y en a beaucoup. C’est là que l’on voit qu’il est vraiment écrivain. Ceci bien établi, tout le reste, n’est-ce pas, est affaire de goût. Quant à moi, franchement, dire que je ne me suis pas ennuyée un instant à déchiffrer Des années des mois des jours serait un gros mensonge. Éd. Stock, 2001, 235 p.

Des années des mois des jours
Des années des mois des jours
Jacques Folch-Ribas
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