Le Dernier roman : Doubles voix
Hélène Desjardins a été découverte il y a trois ans avec Suspects, un roman policier, genre dans lequel la jeune femme semble se plaire. Voici Le Dernier Roman, un autre polar.
Hélène Desjardins a été découverte il y a trois ans avec Suspects, un roman policier, genre dans lequel la jeune femme semble se plaire. Cet ouvrage, publié, comme le précédent, dans la collection 16/96 de La courte échelle, avait de très belles qualités: l’auteur y démontrait un bon sens du suspense, et surtout, une connaissance des mécanismes qu’exige le genre. Dans Le Dernier Roman, encore un polar, son talent en la matière s’affirme encore plus.
Hélène Desjardins a construit une histoire, sinistre, il faut le dire, que racontent chacun leur tour un homme et une femme. "Ma femme me trompe. Ça fait déjà un bout de temps que je le sais. Et ça me rend très malheureux." L’homme n’est pas commode, ainsi que l’illustrera le récit. Maniaque, calculateur, obsédé par son odieuse épouse, il lui tend un piège machiavélique, ourdi avec le plus grand ressentiment. Pendant ce temps, il écrit ses romans, tous des best-sellers, une carrière qu’il a bâtie grâce à "Blondinette", ainsi qu’il surnomme sa moitié, qui l’a tant aidé. "Le rêve était devenu réalité. Je goûtais à la griserie du succès. Ma femme et moi étions invités à toutes sortes de cocktails. Nous faisions maintenant partie de la haute société. Si bien que notre petite maison de banlieue ne nous convenait plus. Nous avons donc déménagé dans le quartier huppé de la ville."
"Lorsque j’ai aperçu mon visage dans la glace, ce matin, je ne me reconnaissais pas. Cette image que me renvoyait le miroir m’était vaguement familière, mais sans plus." Cette femme est-elle bien l’épouse de l’écrivain? Ou une victime hasardeuse qui a pris sa place, pendant que la légitime gémit quelque part, et paie pour son crime de lèse-majesté?
Le récit alterne entre deux voix, et il faut plusieurs chapitres pour comprendre ce qui s’est réellement produit, tant l’auteure a brouillé les pistes. Sur ce plan, l’histoire de Desjardins est bien ficelée, déjouant tous les scénarii que l’on puisse imaginer.
Le problème du roman, ce n’est donc pas l’intrigue, mais l’écriture. Tout d’abord, l’on saisit mal les niveaux de langage des personnages. L’écrivain, qui habite, nous dit-on, un quartier riche, ne donne aucune trace de son train de vie, de sa classe sociale. Il n’est pas nécessaire de changer complètement de langage, mais un détail, une façon particulière de s’exprimer auraient donné de la couleur au personnage. En ce qui concerne la seconde voix, celle de la femme, cette faiblesse est plus logique sur le plan narratif, puisqu’elle ignore qui elle est.
Dans l’ensemble, le roman aurait gagné à développer une écriture plus imaginative; tout le long du récit, le vocabulaire est plat, sans trouvailles, sans originalité. En fait, le texte est plutôt rempli d’expressions banales, de clichés, de formules communes. Il manque donc à Desjardins une corde à son arc: un bon roman n’est pas qu’une histoire qui roule. Au contraire, plus le récit est efficace, plus l’écriture doit être élaborée, raffinée. Souhaitons que l’auteure éclaircisse ce mystère. Éd. La courte échelle, 2001, 173 p.
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